La chronique de Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Lundi 14 janvier

Cet ami me dit "Pour toi, le Lot et Garonne si j'ai bien compris ça se résume à Monflanquin et Janouille, Tournon et Penne d'Agenais, Nérac et sa fleurette, Vianne et ses remparts, le Pont Canal et la Voie verte... les vins de Buzet et de Duras..."

J'objecte : "je connais aussi Tombeboeuf !". On pouffe : "Moi, je vais te montrer le coin le plus beau du département, le mien bien sûr, et après l'avoir vu, tu n'oseras même plus nous rabattre les oreilles avec ton chêne de Theux..."

J'adore les gens qui défendent leur pays et qui n'ont pas peur d'en vanter les mérites au monde entier. Alors, je me suis laissé conduire, bien décidé cependant à contredire mon interlocuteur avec la mauvaise foi qui nous caractérise, nous les gersois, mauvaise foi qui nous permet d'être toujours là !

Un véhicule plutôt bringuebalant – mon copain n'a pas la Maserati de Boudjellal – ahane jusqu'à l'éperon rocheux du Pech de Berre, au-dessus du Confluent du Lot et de la Garonne. Au pied d'une croix centenaire – je rappelle que mon chêne a plus de mille ans ! – j'avoue que j'ai du mal à cacher un certain émerveillement – le mot n'est pas trop fort – devant le spectacle proposé : le Lot est quand même un peu plus large que ma douce Baïse et plus tumultueux que ma Save capricieuse. Quant à la Garonne – grossie rappelons-le par le Gers et les deux rivières citées ci-dessus – elle en impose quand même. Avouons que la zone de confluence entre Aiguillon et Nicole, c'est autre chose que celle des deux Baïse à l'Isle de Noë ! La plaine à la grâce plantureuse, si richement travaillée, s'étale, patchwork des marrons des labours, des blancs des serres, des noirs des vergers déshabillés par l'hiver ; l'autoroute, la nationale, le TGV, le canal des deux mers, le canalet, la voie verte, c'est une autre dimension que nos étroites vallées dissymétriques. "Tu vois, me dit-il, ici, ils sont tous passés : les Romains, les Vandales, les Wisigoths, les Francs, les Sarrasins, les Normands, les Seigneurs du Nord, les Anglais…les Allemands et j'en oublie. Ils se sont tous plus ou moins longtemps installés, mélangés, si mêlés que parfois nous ne savons pas très bien qui nous sommes... Là-bas, Charlemagne et Roland ont repoussé les Sarrasins ; ici nous étions cathares moins par conviction que par opposition aux envahisseurs du Nord et puis, beaucoup sont devenus huguenots rendant les catholiques encore plus catholiques. Chez nous, la trêve de l'Edit de Nantes ne dura guère : Louis XIII fit démanteler les places fortes protestantes et Louis XIV nous expédia ses dragons." Un brin perfide, je lui lâche : "Et pendant la guerre de Cent ans, vous étiez Français ou... Anglais ?" Il me raconte l'histoire des moines de St-Sardos et du Sire de Montpezat : "la guerre de Cent ans, c'est ici qu'elle est née ; après, je crois qu'entre les pillages français et anglais puis ceux des "routiers" lors des périodes de trêve, personne n'y retrouvait ses petits... Tu sais, je crois qu'entre catholiques et protestants, il en était de même, les convictions religieuses divisant les familles les plus unies..."

Du Pech de Berre, il me conduit à Laparade. Descente à Marsac, belle chapelle, et remontée sur la bastide haut perchée, une des créations d'Alphonse de Poitiers : Des vestiges des remparts, une halle et deux puits d'un autre temps, les douves, le panorama là aussi magnifique, sur la vallée du Lot et Castelmoron. "Bien sûr, nous avons résisté pendant la dernière guerre : dans ce pays d'éternelle résistance, il ne pouvait en être autrement." Il me conduit au Mur des Fusillés ; le 12 juillet 1944, des SS d'Outre-rhin entrent dans le village et exécutent 6 résistants FTP dont une femme et deux jeunes... Il me sourit un peu tristement : "...Ils ont été donnés par la Milice. Tu vois, ici, on a toujours eu du mal à reconnaître ses petits."

En repartant, je songe au public d'Armandie qui siffle parfois les siens, et je me demande s'il reconnaît toujours ses petits...

Mercredi 16 janvier

Un petit peu de rugby. On m'a dit que j'aurais énervé un lecteur en écrivant jeu à XIII au lieu de rugby à XIII et pourtant je connais très bien l'histoire de l'appellation et de l'injuste interdiction. C'est vrai que dans mon enfance j'ai dû être marqué inconsciemment par la première qualification. J'en suis désolé encore que le mot "jeu" me paraît si beau : certains joueurs actuels évoluant dans les deux disciplines n'ont-ils pas oublié que le rugby est, avant tout, un jeu !

J'apprends la fin de carrière de Jean-Marie Usandisaga pour des problèmes cardiaques ; j'aimais beaucoup le gaucher basque, un vrai de l'Aviron et nous aimions nous entretenir après chaque rencontre. Il nous est même arrivé lors de matchs qui opposaient l'AB au FCAG – des matchs toujours âpres : une finale en 2004 – d'échanger des clins d'oeil complices avant des affrontements face à Grégory Menkarska par exemple – son pire ami -. Le public de Jean-Dauger va regretter le dernier (?) de ses Basques.

J'apprends aussi la désignation de Peter de Villiers à la tête des Springboks. Au printemps 1998, il était à la tête de l'équipe d'Afrique du Sud juniors, domiciliée chez nous à Samatan. J'ai vécu un mois formidable à ses côtés ; je sais que la désignation est très controversée, métissage oblige ? Je vous raconterai l'histoire de nos 30 jours de complicité en bord de Save.

Vendredi dernier, dans notre refuge de l'île de Ré, hôtel des Gollandières, j'assiste au match de Coupe d'Europe entre le Stade Français et Bristol : un taureau noir crève le petit écran. Ne cherchez plus le futur ¾ centre de l'équipe de France ; il vient de Massy, aurait dû jouer à Agen et s'appelle Mathieu Bastareaud. A mes côtés, le dirigeant le plus important de mon club me glisse : "Henry, une aile Bastareaud-Caucaunibuca !"

A La Rochelle, il y a aussi une bien belle 3ème ligne à 4 têtes comme si le mousquetaire Milhas l'avait voulu : Jacob, Djebaïli, Carmignani, Vaquin, c'est du tout bon.

Liste des candidats possibles au prochain groupe des 22 de l'équipe de France, la belle surprise : le pilier gauche auscitain Fabien Barcella ; grâce à mon ami agent de joueurs JPC, je suis allé le pêcher aux pieds de la centrale de Golfech ; je suis heureux de son explosion !

Dimanche midi, Pierre Berbizier et Philippe Benetton reviennent sur leurs terres. Le public d'Armandie reconnaîtra-t-il les siens ?

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