La chronique de Pierre Villepreux

Par Rugbyrama
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Notre expert Pierre Villepreux revient cette semaine sur la première journée de Coupe d'Europe. Une compétition où le jeu est de retour.

La première journée de Coupe d'Europe a globalement rendu, en terme de qualité de jeu, un verdict plutôt favorable. Le jeu réalisé a permis de comptabiliser un pourcentage d'essais marqués supérieur à celui plutôt pingre des deux premières journées du Top 14. Ce qui est frappant au regard des diverses productions, c'est que l'on semble entrer dans une autre compétition qui mobilise les joueurs différemment et les amène à concevoir le jeu à produire tout aussi différemment.

Par magie, le jeu préférentiel et très restrictif entrevu en Coupe du monde axé sur "bonne conquête - jeu au pied - défense" et majoritairement entretenu dans les deux premières journées de championnat laisse la place à un jeu plus ambitieux, plus volumineux dans lequel le jeu de passe prend du sens, devient une priorité tactique qui donne au jeu au pied sa vrai place et implique le joueur individuellement et collectivement dans une pensée tactique très différente qui amène à accéder à un jeu, plus intelligent, plus rythmé, réalisé à une vitesse supérieure, qui sort du cadre du "jeu organisé" et prend beaucoup plus en compte "l'inorganisé". Il est fait beaucoup plus appel au "jeu situationnel" dans lequel la bonne "communication" entre porteur de balle et partenaires devient essentielle pour gérer l'incertitude. Ces situations qui font appel à la bonne lecture du jeu mettent en œuvre tout à la fois, la pertinence de la circulation des joueurs, leurs acquis techniques et les confrontent au principe de suppléance développant ainsi leurs capacités de polyvalence.

Curieusement en produisant un rugby plus en mouvement, on a moins évoqué les carences réglementaires habituellement soi-disant responsables du "non jeu" et dans le même ordre d'idée on est en droit de penser que les joueurs actuels ont bien les compétences et savoir-faire utiles pour réaliser ce type de jeu. Même si tout n'est pas parfait, les intentions sont présentes, condition indispensable pour évoluer favorablement. En tout cas on a pas attendu la fin du match et un score défavorable pour envoyer du jeu.

A qui ou à quoi doit-on attribuer le mérite de ce changement qui libère les joueurs et les place sur un autre mode de penser le jeu ?

- à une compétition de moindre pression par rapport aux résultats attendus synonymes de risques trop grands ?

- à la moindre connaissance de l'adversaire rencontré et à la tendance des équipes britanniques à jouer un jeu moins calculateur ?

- au désir des joueurs de dépasser un jeu collectif structuré tactiquement limité ?

- à la réelle volonté de l'entraineur de se servir de cette compétition pour faire accéder le collectif à un "fond de jeu" qui utilise le mouvement comme jeu prioritaire, qu'il s'agira de réinvestir dans le championnat français sans revenir en arrière.

- d'un choix partagé entre entraineur et joueurs ?

- à d'autres facteurs ?

- plus banalement au hasard dans une journée particulière ?

On peut répondre sans trop se tromper que tous les facteurs décrits s'influencent réciproquement, mais selon les équipes ils sont décliner à des degrés divers.

Le changement entr'aperçu provient d'une adhésion collective générée conjointement par l'entraineur et les joueurs. Ce choix ne peut pas être un moment fugitif. Il doit s'ancrer dans la continuité des différentes compétitions pour que les comportements collectifs et individuelles se stabilisent et gagnent progressivement en efficience. La maitrise d'un tel jeu ou l'adaptabilité est première ne s'acquiert pas facilement. Il faut du temps pour acquérir maitrise et confiance.

Dans cet optique le rôle du coach est déterminant pour convaincre en interne comme en externe. Cela demande patience et indulgence quand cela ne marche pas. Mais quand ça fonctionne, c'est un jeu qui séduit en enthousiasme

Il s'agit bien alors pour les joueurs et le staff technique d'un engagement réciproque pour évoluer dans la durée, chacun s'engageant à mettre ses ressources, sa disponibilité, sa créativité au service d'un jeu que l'on accepte à risque mais que l'on contrôlera de mieux en en mieux si on sait lui rester fidèle.

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