La chronique de H. Broncan

Par Rugbyrama
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Comme chaque semaine, retrouvez "les pas perdus d'un coach", la chronique d'Henry Broncan, l'entraîneur du SU Agen.

Jeudi 18 octobre :

Alexandre, 26 ans, est parti, victime de la mucoviscidose ; je revois très bien ses grands yeux noirs parfois tristes, parfois déterminés, ses grands yeux noirs d'enfant malade alors qu'il était mon élève au collège de Samatan ; je revois aussi sa maman, son père et son frère, tous de la famille rugby du LSC, tous bien décidés à se battre pour lui assurer la meilleure et la plus longue existence possible. Quand Jean, le fidèle Jean, m'a appris la nouvelle, je lui ai avoué que je n'avais pas su conserver pendant mes années auscitaines, le lien qui m'unissait à mon ancien élève ; il est mort dans la nuit de mercredi à jeudi - une greffe impuissante - à l'hôpital de Bordeaux. Samedi toute la famille du rugby de la Save a dû l'accompagner au petit cimetière de Seysses. LSC que ton club est marqué !

Soirée sympa à l'ENAP, notre Ecole Nationale d'Administration Pénitentiaire. Sous l'égide de l'évêque d'Agen bien accompagné par quelques membres de son clergé, un cours de philosophie sur les valeurs du rugby. Le plaisir de retrouver Christophe Vindis que j'avais rencontré, au collège de Samatan, en 1998, quand il avait préparé ce film " vivement dimanche " qui plaçait côte à côte, le rugby des champs, celui du LSC et le rugby des villes, celui de Massy. Il vient de terminer une production sur les cent ans du Stade Toulousain et il compte bien s'occuper du centenaire du SUA dont il est grand supporter.

A ce propos, je vous avais parlé de ma rencontre avec Xavier Vincent de Lestrade, de Miramont d'Astarac, mon pays de naissance. Il a proposé à deux de nos principales chaînes TV de monter un documentaire sur un "entraîneur décalé ", un peu perdu dans l'évolution si moderne du rugby professionnel. Refus poli mais refus quand même : le "in" intéresse plus que le "rétro" et tant mieux pour moi qui allais être obligé de soigner un minimum la tenue vestimentaire et le vocabulaire. Par ailleurs, un ami m'apprend que Jacques Meilleurat, notre cinéaste auscitain, a sorti "joueurs 2" dédié au capitaine du FCAG, Raphaël Bastide. Il parait que dans certaines scènes, de mi-temps j'apparais plutôt "hard". Je me souviens que dans "joueurs 1", Jacques avait fait la part belle, à l'entraîneur de Dax, profil grec et peu d'humour, Marc Lièvremont.

Revenons à nos curés ! Sur la scène autour de Laurent LUBRANO, Paul CHOLLET ancien maire de la ville d'Agen et ancien député de Lot-et-Garonne, membre de la célèbre Académie chère à Béatrice URIA-MONZON, Francis CABREL, Pierre LACROIX, etc. C'est un amoureux du SUA, un amour qu'il a transmis à son fils Pierre, actuel président de l'Association. Il aime Agen comme d'autres aiment le Gers, avec passion. A ses côtés, Pierre GARDEIL, Lectourois-Agenais, trait d'union entre le 32 et le 47. En écoutant son allocution éloquente sur les complexités de l'ovale - elle me rappelait le livre de Max Héron - je me suis souvenu d'une conversation récente avec Alain TINGAUD, mon président jamais à court d'idée "tu vois Henry, l'avenir du rugby ici, c'est une association Auch - Agen ou Gers - Lot-et Garonne avec un grand stade construit à Lectoure !" Je vous livre son idée.

François GELEZ et Jean MONRIBOT nous livrent leurs espoirs sur la saison à venir ; les deux ont le sens de la dialectique et leur évolution est habile : une bonne image de rugbyman. De mon côté, dans cette soirée &oeligcuménique, j'ai voulu montrer comment le rugby pouvait, le temps d'un match, et parfois davantage, réunir des gens d'horizons si différents : les Irlandais - voir Vindis " une balle contre un mur " - protestants et catholiques, les Springboks " les Amabokoboko " blancs et métis - et les noirs ? - les Basques d'Iparreterak et les conformistes. Dans l'après-midi, j'avais eu l'occasion de renouer par téléphone avec Jojo Duzan, le père de l'US Baïgorry maintenant devenu Nafarroa après le mariage de raison avec les voisins de Garazi. Je ne me lasse jamais d'entendre ces récits sur cette période 1962-2003 où son équipe réunissait abertzale et gendarmes, contrebandiers et douaniers, anarchistes trotskistes et libéraux... Philippe Bidart recherché par toutes les polices de France aux côtés du père de mon 3ème ligne Peïo Som, instituteur là-bas et fis de représentant de l'ordre ! De mon côté, je vous ai raconté l'amitié indéfectible qui unit Anton, mon pilier espoir géorgien et Andreï, mon seconde ligne russe. Ils sont inséparables : s'ils n'avaient pas connu le même club de rugby, je suis sûr qu'ils s'étriperaient !

Vendredi 19 octobre :

L'équipe nationale russe des moins de 19 ans est en stage, pour deux semaines, sur les terrains d'Armandie. Des athlètes qui ne rechignent pas deux fois par jour : beaucoup de préparation physique - footing, pompes, saute-mouton, rampages - style parcours du combattant. Beaucoup de difficultés dans la technique de passe. Claude Saurel, le Biterrois, passé par la Géorgie, le Maroc, la Tunisie, l'Ukraine, grand admirateur du rugby à 7 - ce n'est pas pourtant l'école Barrière ! - débute ses fonctions de responsable national. A table, il m'évoque tous ses déplacements dans l'Est de l'Europe et du Maghreb, son plaisir de défricher dans ces terres vides d'ovale, sa foi dans l'extension du rugby en Afrique et en Russie. Béat, j'écoute, plein d'admiration, moi qui ai bien cru faire le tour du monde en passant, le mois dernier, de Lens à Marseille.

Stade du XXI siècle, le Yves du Manoir de Montpellier, en le regardant, je pense à celui de Lectoure proposé par Alain Tingaud ! Le petit fils de paysan songe au coût de la construction et au coût de l'entretien ! En attendant, il n'y a pas mille spectateurs pour assister au match amical contre le SUA. Heureusement d'ailleurs ! Les miens à peine descendus du car, peu en verve en raison des nombreuses rotations que j'impose, lâchent la rencontre sans combattre collectivement. Côté héraultais, les deux blancs-becs qui forment la paire de demis : Tomas et Trinh-Duc se régalent de trouer notre 3ème ligne ; un nouveau venu, aux cheveux paille, à peine arrivé d'Irlande, nous massacre aux pieds. Le seconde ligne Géorgien Mamuka continue d'aviver mes regrets de ne pas l'avoir recruté. Chez nous, à part la mêlée, il y a tout à jeter. "Entraînement, demain, 10 heures" quatre mots de débriefing. Au retour, la radio relate le cauchemar du XV de France contre les Pumas : cinq essais et on disait qu'ils ne savaient faire que des rucks et des chandelles ! C'est facile aussi de taper sur un entraîneur mais ce n'est pas lui qui est sur le pré ! Les deux formations qui nous ont battus avaient des stratèges sur le terrain ; nous en avions un mais il se trouvait dans les tribunes. Le seul reproche que je lui porte c'est de ne pas avoir su, me semble-t-il, déléguer suffisamment. L'équipe de France, c'était trop Lui - voir les pubs - et pas assez Elissalde, Bonnaire, Michalak ou Jauzion ?

Samedi 20 octobre :

Après-midi sympathique à Larrazet, près de Beaumont. A la Maison de la Culture, Alain Daziron - un professeur d'histoire ! - a réuni des amoureux du rugby pour évoquer "l'évolution du jeu et le nouveau paysage du rugby ". J'ai la chance de me retrouver aux côtés de Michel Ambal et Pierre Conquet. Le premier, directeur du Centre de Formation de l'US Montauban, fils de Marceau, un entraîneur-éducateur exceptionnel - voir Beaumont, Agen et Auch - est un personnage truculent qui adore jouer les naïfs mais, sous le couvert de l'humour, vous lâche toujours, au second degré, des sentences judicieuses sur le rugby actuel : la belle histoire de cet athlète de 120 kg dont il voulait faire un pilier moderne mais qui ne voulait jouer qu'en 3ème ligne et qui a lâché notre sport pour la... bicyclette ! Pierre Conquet, tout le monde connaît "les Fondamentaux du rugby" (1976) repris en 1995 sous le titre "les Fondamentaux du rugby moderne", ouvrages plus que jamais d'actualité - voir la finale 2007. Avec l'aide du dessinateur Joël Albertini "Jal", Pierre s'est lancé dans la BD humoristique. Venant d'un défenseur farouche d'un rugby rigoureux, c'est assez amusant et surprenant, en fait c'est un humour souvent grinçant. Voir "l'Ovale en rires" Atlantica. Dans une discussion à bâtons rompus sur l'évolution de règles qui permettraient davantage d'essais, notre chercheur impénitent propose les plaquages au-dessous de la ceinture ce qui autoriserait un jeu plus ouvert car davantage de passes ; c'est une fin d'après-midi d'automne très sympathique avec un public bon enfant très agréable ; l'ancien ailier du stade Beaumontois Jacques Seran grand amateur de jeu au large râle après les "bouillies actuelles" et un interlocuteur à l'âge avancé s'étonne du nombre de mêlées écroulées : "Nous à Beaumont, on emportait le Stade Montois depuis la ligne des 22 jusqu'à l'en-but - demandez à Dauga - et la mêlée ne tombait pas !" Souvenirs de ce fantastique pack de Lomagne : Bergamasco, Morellato, Peccolo, Trainini, Bouc, Bonastre, Clementeï, Aurel, Chapuis, Barrau... C'est sur, il valait mieux ne pas s'effondrer !

Obligation de quitter la soirée pour me rendre au stade Armandie ; un partenaire important a invité plus de 200 clients venus de toute la France pour assister à la finale sur grand écran. Dans les prévisions de l'entreprise, on attendait la présence de la France... 3 fois hélas ! Froid glacial ; il gèlera sur le matin.

A Saint-Denis, on se réchauffe dans les rucks. Les Boks résistent bien en mêlée, dominent largement en touches ; on les sent plus rapides sur les points d'impact et impeccables sur la technique individuelle : passes, réceptions, jeu au pied... Montgomery à 100%, "Butch" James étonnant de sérénité, Dupreez, Steyn, Botha et Matfield : la classe, la 3ème ligne énorme de vitalité. Côté anglais, on ne lâche rien mais c'est plus lent, plus vieux à l'exception du jeune Tait : Tait, Steyn, il y aura eu peu de centres de talent dans l'édition 2007. Chez nous, on regrette l'absence de Fritz et on attend maintenant Bastareaud et Mignardi.

Une coupe de champagne pour se réchauffer ; pour le rugby-champagne, on attendra 2011 !

Dimanche 21 octobre :

Toucher de plus en plus sympa sur l'annexe ! Après des débuts timides, la semaine dernière, je commence à créer quelques règles - les miennes ! - Ils ont intérêt à me réduire le bec car, s'ils me laissent arbitrer, ils pourront faire leur deuil des victoires.

Après-midi, encore sur Armandie. Ici aussi, on met les Crabos et les Reichels, à 15 heures, bien sûr, sur deux terrains différents, tant et si bien qu'on ne peut assister qu'à un seul match. Moi, j'ai besoin de voir deux matchs le dimanche ! Je suis sevré ! Sur le terrain d'honneur, les Reichel souffrent pour s'imposer devant Brive ; on me raconte que les Crabos font une belle prestation. Comme les Cadets ont gagné à Bayonne, hier, tout va bien pour nos jeunes équipes. Seule ombre, la défaite de la I à Montpellier. Il va falloir se réveiller !

Je connais bien Blagnac entraîné par Franck Hueber et Pierre Broncan et managé par mon ami James Carles. Ce trio a su insuffler une grosse âme de vainqueur au groupe mené par l'international portugais David Penalva : trois défaites seulement pendant toute la saison 2006-2007 et la dernière victoire du SUA remonte à janvier 2007 ! J'apprends que Pau a battu Auch, hier, à Aire sur Adour. On va comprendre très vite que la D2 est aussi rude que le TOP 14 !

A 20 heures, appel du préparateur physique Christophe Savio qui me relate la nuit parisienne de mes Agenais : deux coachs et six joueurs - les plus assidus - étaient les invités du Président Tingaud pour assister à la finale. Ces imprévoyants n'avaient pas réservé d'hôtel. Après une vingtaine d'appels trop tardifs, il fallut se résoudre à la belle étoile et... aux bars de la capitale ! Les grèves SNCF et RATP, les taxis débordés et peu conciliants, voici nos voyageurs armés de leurs seuls pieds pour un St Denis - Paris à la marche. En route pour la rue de la Soif mais les cafés sont déjà pleins ! La nuit est encore plus fraîche à Paris qu'à Armandie. Repli vers les 4 heures du matin dans un dernier bar encore ouvert où cafés et verveines se seraient succédés !

Vivement demain : j'attends avec anxiété les mines de mes cavaleurs ! Voilà quelques uns des tourments des entraîneurs : on est loin du mouvement général, de la défense inversée et des 5ème temps de jeu !

Lundi 22 octobre :

Lecture de la lettre de Guy Môquet dans les lycées de France. A voir Edition du Temps des Cerises, Collection La Mauvaise Graine, un livret écrit par Gérard Streiff sur le fusillé de Chateaubriant. Il ne devrait pas y avoir de polémique : le jeune Guy a su devenir résistant alors que beaucoup de Français avaient la tête baissée et s'agenouillaient devant l'occupant ; il paraît qu'il était un excellent gardien de but au football : je suis û qu'il serait devenu un très bon troisième ligne au rugby.

Mardi 23 octobre :

Second repas avec Claude Saurel et Laurent Lubrano ; encore une fois je suis subjugué parc ces récits sur le rugby d'ailleurs ; un des frères Tolot - les trois sont magnifiquement impliqués dans la vie du Sporting - me lâche : "en fait, toi, tu es le seul entraineur d'une équipe nationale qui n'est jamais allé dans le pays que tu as dirigé !"

Mercredi 24 octobre :

Bernard Lapasset chez les siens, à Tarbes, aux portes de Louit et de Pouyastruc. Claude Saurel m'a raconté, hier, qu'il avait perdu une finale Reichel contre lui, en 1967, en lever de rideau de Montauban - Bègles. Le Président était junior au SUA et opérait, avec un certain brio, en 3ème ligne. Il vient de consacrer la victoire de la DTN et la défaite de la Ligue : le "Rabelaisien" Didier Retière accompagnera Marc Lièvremont plutôt "porte de prison" et à défaut de Tintin, "Milou" N'Tamack fera le joint - je sais, c'est pas bon du tout -. J'entends Blanco de la Ligue s'étouffer, Gaillard du syndicat s'insurger, Skrela de la DTN triompher ! Gachassin, ce tennisman, que je croyais perdu pour le rugby demande : "le retour du jeu à la française". Réunir tous les maîtres du rugby Français sur un même projet de jeu ! Je souhaite beaucoup de plaisir à nos trois jeunes et j'espère qu'ils sauront rallier le maximum de spécialistes autour d'eux ! Vivement Philippe Sella pour les protéger et les manager.

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