Albaladejo: "Nous ne sommes plus une petite équipe à VII mais une équipe en développement"

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Recordman de sélections dans le cadre de l'IRB Sevens World Series et meilleur marqueur d'essais français en activité (83), Paul Albaladejo se confie à la veille du début du circuit mondial. Actuellement blessé à un poignet, le petit neveu du célèbre Pierre Albaladéjo évoque la course effrénée à la qualification pour les Jeux Olympiques de Rio de Janeiro en 2016.

Tout d'abord, comment vas votre poignet Paul ?

Paul ALBALADEJO: Ca va bien merci. Juste un ligament qui a lâché et qui se baladait dans le poignet mais tout est rentré dans l'ordre. Je suis immobilisé pendant trois semaines et retour à Marcoussis le 20 octobre pour préparer le tournoi de Dubaï.

Une nouvelle saison démarre avec le premier tournoi à Gold Coast (Australie). Comment voyez ce départ pour vos coéquipiers sachant que vous avez une poule très difficile avec les cadors de ce jeu, les Néo-Zélandais et les Samoans tout aussi costauds ?

P.A: Ca sera dur toute la saison. Des grosses poules, il y en aura également toute la saison. Je pense que les mecs sont confiants car nous avons bien travaillé. Nous sommes sur le terrain et dans la salle de musculation depuis le 7 juillet pour la plupart même si il y a eu une petite coupure de deux semaines au mois d'août. Nous avons également bien bossé lors des compétitions FIRA (Fédération Internationale du Rugby Amateur NDLR) où on a ramené le titre de champion d'Europe. Nous avons également fait de bons tournois à Manchester (Angleterre) et à Bucarest (Roumanie). On est bien dans nos têtes mais on verra lors de ce premier tournoi à Gold Coast où l'on va se confronter à de grandes équipes et vite être fixé.

Comment se déroule une journée et semaine type d'un joueur professionnel de rugby à VII ?

P.A: On va plutôt parler de semaine. Globalement, on arrive le matin où on commence par de la préparation physique avec soit de la musculation soit des exercices de vitesse soit du lactique. Après on bascule sur la partie rugby avec des séances collectives ou individuelles suivant les besoins, le poste et ses spécificités. Cela varie durant la semaine avec évidemment tous les jours, une coupure de deux heures le midi où l'on se restaure et on se repose avant de repartir l'après-midi. Rajoutons à tout cela, des séances vidéos et la phase récupération qui est obligatoire à chaque fin de journée où l'on passe entre les mains du kiné jusqu'aux séances de froid et de cryothérapie.

Comment jugez vous la progression du rugby à 7 en France et pourquoi sommes nous en retard par rapport à certaines nations qui ne sont pas des nations majeures du rugby comme le Canada mais surtout le Kenya ?

P.A: La progression me semble bonne et intéressante. Le projet olympique a démarré il y a tout juste quatre ans et les premiers résultats commencent à arriver. Il faut se rappeler que nous avons commencé à quatre joueurs pendant un an sur le terrain. Avec les joueurs sélectionnées, on arrivait simplement à faire un groupe de douze joueurs pour pouvoir aller disputer les tournois mais au CNR à Marcoussis, nous n'étions que quatre en permanence. Maintenant, nous sommes dix-huit mecs quotidiennement avec des oppositions à sept contre sept qui existent ce qui nous permet de faire du bon boulot me semble t-il. Nous avons un site magnifique à Marcoussis avec tout ce dont nous avons besoin sur place que ce soit au niveau matériel, logistique, médical et humain. Il faut tirer un grand coup de chapeau à Pierre Camou (Président de la FFR) qui a su mettre les moyens et un staff en place. Par rapport au Canada et au Kenya, elles sont devenues des grandes nations du rugby à 7. Ils ont su se développer et ne sont plus des nations en développement comme l'équipe de France peut l'être. Nous ne sommes plus une petite équipe à VII mais une équipe en développement.

Bouger le top 3 actuel n'est pas envisageable !

En tant que joueur de l'équipe de France, n'est ce pas énervant de perdre contre des équipes moins fortes ou des nations mineures du rugby mondial ?

P.A: ...A quinze ! Du rugby mineur... à quinze mais non à 7 ! Les mentalités doivent changé par rapport à cela. Il ne faut pas opposer ou comparer le rugby à 15 et le rugby à 7. Il faut faire comprendre au grand public qu'il y a d'un côté, le rugby à 15 avec ses cinq-six grosses nations historiques qui dominent le rugby mondial et le 7 qui a certainement dix nations majeures! Sans compter des "petites" ou nouvelles nationales qui arrivent ou sont en train de se développer. Donc non, ce n'est pas rageant de perdre contre les canadiens ou les kenyans. Même si le XV de France est une grosse nation du rugby mondial, aujourd'hui, l'équipe de France à 7 est une équipe en développement qui est partie de très loin. Toutes les composantes sont différentes et c'est pour cela entre autres, que les kenyans qui ne feront jamais rien dans le rugby à 15 et je m'avance un peu en affirmant cela, mais auront de grands résultats dans le rugby à 7. C'est le même sport mais les deux disciplines sont différentes et c'est bien cela qu'il faut comprendre.

Que manque-t-il à notre équipe de France à 7 pour aller titiller les trois premières équipes ?

P.A: Vous visez très haut là ! C'est un objectif très élitiste de viser les trois premières places sur le circuit mondial (Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et Fidji). Bouger le top 3 actuel n'est pas envisageable ! Après, il nous faudrait pour cela avoir de grands joueurs à l'image de Julien Candelon qui a choisi de venir garnir l'équipe de France à 7 après une grande carrière en Top 14. L'équipe de France de rugby à 7 n'est pas composée de joueurs de rugby de Top 14 et c'est probablement ce qu'il nous fait défaut. Me concernant, je sais qu'au rugby à 15 par exemple, j'ai un niveau Pro D2, Fédérale 1 comme la plupart de nos joueurs qui ont connu ces niveaux ou que la catégorie Espoirs et non le haut niveau avec le Top 14 ou très peu. Peut être qu'un jour, cette équipe de France à 7 sera uniquement constituée de joueurs de Top 14 et les meilleurs jeunes joueurs des moins de 20 ans ce qui n'est pas le cas actuellement.

Quelle est véritablement la place de notre équipe de France sur le circuit mondial (dixième la saison dernière) ?

P.A: Autour de la sixième-huitième place mais à court et moyen terme, nous visons de rentrer dans le Top 4 puisque la qualification directe pour les Jeux olympiques de Rio en 2016 concerne d'abord les quatre premières équipes du circuit. Jamais une équipe de France n'a atteint ce résultat jusqu'à présent. Le meilleur classement sur une année entière a été septième (saisons 2003-2004 et 2005-2006) sous l'ère de Thierry Janeczek.

Le rugby à 7 aux JO, ça reste flou et ne fait pas trop rêver les jeunes pour l'instant

Qu'auriez-vous envie de dire aux observateurs qui pensent que certains joueurs en équipe de France à 7 sont là par défaut, n'ayant pas le niveau requis et qu'ils n'ont pas forcément leur place dans cette sélection ?

P.A: Je ne suis pas forcément d'accord avec ces discours. Encore une fois, à ce jour, nous sommes en train de développer cette équipe de France avec les joueurs qui s'y proposent et qui mettent tous leurs moyens dans ce projet. Ce ne sont pas des seconds couteaux ou des joueurs sélectionnées par défaut. Mes coéquipiers travaillent très dur et sont complètement impliqués dans cette tâche et cet objectif qui est la qualification. Après, il faut prendre en considération le système financier. L'argent étant en Top 14, ces joueurs-là ne veulent pas venir à 7 car ils veulent gagner beaucoup d'argent dans leur championnat sans oublier la visibilité et l'exposition qu'ils ont chaque week end à travers les différents médias.

Hormis les beaux voyages, quels seraient les arguments pour faire venir des joueurs de Top 14 au rugby à 7 ?

P.A: Pour un jeune joueur de Top 14, ce serait déjà un bon plan de formation. Car après les moins de 20 ans, il n'y a pas que le Top 14 pour se développer de façon immédiate. Le 7 est une très bonne école de développement notamment sur les qualités physiques et athlétiques des joueurs. C'est ce que font les Néo-Zélandais, les Australiens et les Sud-Africains. Les jeunes font une année voir deux en rugby à 7 et après basculent avec leurs clubs nationaux ou franchises. L'autre argument serait de dire qu'il y règne un esprit et une culture olympique que l'on n'a pas forcément et qui ne fait pas rêver car le rugby à 7 aux JO, ça reste flou et ne fait pas trop rêver les jeunes pour l'instant.

Une dernière chose à rajouter...

P.A: Non, mais juste rappeler le parcours que nous allons faire cette saison, c'est à dire faire le circuit mondial avec un objectif très élevé et puis basculer l'été prochain sur la qualification européenne où nous avons vraiment toutes nos chances puisque nous détenons actuellement le titre européen. Si nous n'accrochons pas une des quatre premières places à l'issue du circuit mondial, alors ce sera le plan B pour aller chercher la qualification pour les Jeux Olympiques de 2016 au Brésil. 

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