Virée nocturne, ambition, monde pro... La naissance du Pôle France, racontée par sa première promo

  • Fritz, Pôle France
    Fritz, Pôle France
  • Virgile Lacombe lorsqu'il portait les couleurs du Stade toulousain
    Virgile Lacombe lorsqu'il portait les couleurs du Stade toulousain
  • Régis Lespinas, alors à Montpellier (2005-2008)
    Régis Lespinas, alors à Montpellier (2005-2008)
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Il y a quinze ans, la FFR inaugurait son nouveau centre national. Et, en même temps, un nouveau dispositif : le Pôle France, qui regroupait les meilleurs joueurs de la génération 1984. Depuis cet été, le pôle a été rayé de la carte et les Espoirs renvoyés dans les clubs. Retour sur une révolution...

C'était il y a 15 ans. Le 10 septembre 2002, vingt-quatre joueurs franchissaient les portes du Centre National du Rugby de Linas-Marcoussis qui n'allait être inauguré qu'en novembre : vingt-quatre grands espoirs du rugby tricolore, qui allaient devenir la première promotion du Pôle France, baptisée promo Bellejame.

La génération 1984 appelée à écrire l'avenir du rugby français s'avançait, composée de joueurs réputés mais aussi de paris comme Yoann Charlon (LOU), un deuxième ligne qui venait de l'aviron, annoncé à 2m et 115kg, ou Guillaume Combes, demi de mêlée de Narbonne.

La génération test

Vingt-quatre pionniers parmi lesquels Regis Lespinas, alors au CA Brive, désormais à Aix-en-Provence. "Le Pôle France, c'était l'objectif de tous ceux qui étaient retenus en équipe de France U18, se souvient l'ouvreur. On ne savait pas trop à quoi s'attendre. Mais on savait que pendant une année, on allait faire ce qu'on aimait et qu'on serait dans notre bulle. On avait le sentiment que ça serait génial. Ce qui se profilait, c'était la chance de s'entraîner comme des pros avec un encadrement qui allait nous suivre au quotidien : une opportunité en or de se préparer avec les vrais standards du haut niveau. Je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu parler de quelqu'un qui aurait refusé."

Le ton fut donné d'entrée. Les premiers jours ont été consacrés à la présentation de toutes les règles : pour la partie rugby, dans le cadre scolaire et évidemment les règles de vie. Et très rapidement, il a été question de prendre les mensurations afin de définir les axes de travail pour faire de ces espoirs, des athlètes. Ce fut une entrée dans un nouveau monde. Virgile Lacombe, désormais talonneur du LOU qui était entré comme pilier gauche, s'en souvient : "Quand on est arrivé à Marcoussis, très rares étaient ceux qui s'entraînaient avec l'équipe première de leur club. On arrivait des Crabos… C'est au Pôle France qu'on a goûté au rugby pro."

Virgile Lacombe lorsqu'il portait les couleurs du Stade toulousain
Virgile Lacombe lorsqu'il portait les couleurs du Stade toulousain

Ils ont essuyé les plâtres forcément. "On était la génération test, définit Lacombe. C'était difficile pour certains d'être enfermés du lundi au vendredi. Nous étions seuls en chambre : on avait seulement une télévision dans notre salle de vie. Les sorties étaient strictement encadrées. Ce n'était pas non plus toujours simple de reprendre ses marques quand on revenait en club, même si c'était plaisant de retrouver les copains. Mais je retiens que cette année m'a fait progresser athlétiquement. Elle m'a mis le pied à l'étrier."

Virée nocturne et camping sur le terrain

Ce fut une aventure humaine, aussi. "Vivre ensemble pendant une année, quand on a 18 ans, ça rapproche", raconte Lespinas. D'ailleurs, ils avaient fait une soirée à Toulouse, pour fêter les dix ans. Ils avaient des anecdotes à se remémorer. Comme cette Twingo empruntée au directeur des études avec laquelle certains allaient jouer du frein à main sur un parking. Lespinas ouvre les dossiers : "Aux alentours de Noël, on avait eu quartier libre : on avait été conduits dans Paris pour une soirée. On était censé reprendre le bus à une heure précise. Bon, ça s'est révélé un peu difficile : nous étions des jeunes de 18 ans lâchés dans Paris. Certains ont repris le bus comme convenu. Mais il faut voir comment…"

Lacombe évoque un autre moment gênant : "Quand le CNR a ouvert, beaucoup de personnes venaient visiter les lieux. En fin de saison, quand la Coupe du Monde U19 était passée, on était en roue libre. Un soir, on avait sorti les matelas des chambres pour dormir sur le terrain synthétique. Le matin, on avait été réveillés par Jean-Claude Skrela qui faisait visiter le centre à un groupe…"

La nostalgie a du bon. "Il y a ces anecdotes mais ce qui m'a marqué pendant cette année, c'est d'être au contact de l'équipe de France. La cérémonie d'inauguration (18 novembre), aussi : on avait fait un match contre le XV de président avec feu d'artifices. Et on avait serré la main de Jacques Chirac", sourit le talonneur.

Beaucoup de pros, peu d'internationaux

Mais Marcoussis fut aussi un tremplin pour ces espoirs : sur les vingt-quatre, ils ne sont que deux à n'avoir jamais joué en première division. Cela dit, un autre chiffre peut apparaître plus décevant : seulement deux membres de la promotion Bellejame ont porté le maillot du XV de France, Fritz et Peyras. Le destin selon Lespinas : "Certains ont eu la grande carrière qu'on attendait : je pense à Florian Fritz. D'autres ont eu moins de réussite en raison des blessures. Le premier nom qui me vient c'est Gérald Gambetta. On l'appelait le King. Il était troisième ligne aile et après il est passé centre, raconte Lacombe à propos de celui qui est devenu son manager au LOU. Lui et Cabannes étaient les deux plus complets..."

Régis Lespinas, alors à Montpellier (2005-2008)
Régis Lespinas, alors à Montpellier (2005-2008)

Cabannes joue encore en Top 14, mais avec Fritz et Lacombe, ils ne sont plus que trois. Les derniers témoins d'un chapitre qui s'achève. "Il y en a qui ont arrêté en fin de saison dernière, d'autres bien avant comme Shaun Hegarty, commente Lespinas, fataliste. On sait quand on joue au rugby, qu'il est difficile de durer une fois passé trente ans. En 2002, on avait les dents longues. Maintenant ce sont d'autres qui les ont."

Quinze années sont passées, les espoirs sont devenus des anciens et ils ont appris à se souvenir des belles choses. Lacombe le sait : "C'était les belles années. Après, j'ai entendu parler de Marcoussis comme d'une prison. Peut être qu'ils ont durci les règles parce qu'au fil des années, certains ont trop profité. Mais pour nous, c'était bien. Tout était nouveau, tout était à découvrir. Ca m'a plu. Et maintenant, ça se passe comment ?" C'est fini Virgile…

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