Outsider, Clermont se sent plus fort

C'est Franck Azéma qui a ouvert le bal en début de semaine dernière en taclant le président Boudjellal, qui s'entête à coller la pancarte de favori dans le dos des maillots jaune et bleu. Ils sont double tenants du titre, ils ont fait le doublé la saison dernière, ils jouent leur septième finale d'affilée et j'ai l'impression que nous somme les favoris! Il y a quinze jours, j'entendais qu'ils voulaient rentrer dans la légende... Ils sont archi-favoris et ils ont ce statut à assumer. Nous sommes outsiders, et il peut y avoir des surprises...

• Azéma protège ses hommes

L'attitude offensive du catalan d'origine tranche avec ce à quoi nous avait habitué le taiseux Vern Cotter. Tout en poursuivant sur les bases construites par le Néo-Zélandais, le nouvel entraîneur en chef clermontois apporte une touche personnelle de plus en plus marquée à mesure que la fin de saison approche. Il peut dire que je suis novice à ce poste pour jouer une finale, il en faudra un peu plus pour m'endormir, rajoute Azéma à l'adresse de Mourad Boudjellal.

Le coach clermontois a accepté d'absorber la pression ces dernières semaines, pour tenter d'en extraire au maximum ses joueurs. Une attitude qui semble fonctionner, ses hommes semblant plus détendus à l'approche de la date fatidique que par le passé. L'environnement est moins lourd, confirme Julien Bonnaire. Il y avait l'histoire de l'invincibilité qui est partie... Ce sont de petites conneries, mais on se pose peut-être moins de questions et ce n'est pas plus mal...

Dans le discours au moins, les joueurs ne se braquent plus lorsqu'on évoque les nombreuses défaites. On a pris l'habitude d'entendre que l'on craque souvent, que mentalement on n'y est pas, témoigne Morgan Parra. On se dit que ce sera compliqué de gagner face à Toulon, et que personne ne nous voit vainqueurs. On ne se pose pas trop de questions sur tout ce qu'il y a autour. On se place en outsider, mais l'envie de l'emporter est grande.

• Une équipe plus complète

Clermont a la chance d'aborder cette finale avec un effectif quasi complet, amputé d'aucun joueur majeur. Et les quelques éléments qui n'étaient pas sur la feuille de match il y a deux ans et qui joueront cette finale ont tous rehaussé la qualité du groupe. On est une équipe différente, et je pense qu'on a progressé, confie Julien Bonnaire. On est plus complets dans le jeu qu'auparavant, on arrive à avoir plus de maîtrise. J'espère aussi que toutes ces défaites nous ont servi à grandir...

L'apport du coach adjoint Jono Gibbes est évident. Dans l'ombre d'Azéma, le Néo-Zélandais apporte un surplus de précision dans le travail des avants. Et des ondes positives, après trois finales gagnées avec la province du Leinster.

Sur le terrain, ligne par ligne, Clermont s'est bonifié. Le pilier Debaty est en pleine bourre. Le deuxième-ligne Vahaamahina a beaucoup bossé et son association avec Cudmore fait mal. Lee est un vrai booster en troisième-ligne. Puissant, rapide et technique, son retour de blessure tombe idéalement. Le Gallois Davies, enfin au rendez-vous, a trouvé ses repères avec Fofana, et apporte son Q.I rugby au centre du terrain. Sur son aile, Nakaitaci a fait oublier Sivivatu, tout est dit... Et à l'arrière, Abendanon allie sécurité sur les ballons hauts et créativité dans la relance. Si la partie tourne bien, il pourrait être élu joueur européen de l'année, une saison seulement après une arrivée presque anonyme en Auvergne.

Je pense qu'on est plus forts, conclut Morgan Parra. Mais c'est à la fin du match que l'on saura si l'on a grandi.

• L'envie des partants

Bonnaire, Pierre, Nalaga entre autres ne seront plus Clermontois à la fin de cette saison. Et on peut compter sur leur envie pour enfin offrir une Coupe d'Europe - la grande - à Clermont.

J'ai envie d'en profiter un maximum et surtout de ne rien regretter au bout, avoue Julien Bonnaire, très en colère après la désillusion de 2013. Mais le troisième-ligne aux 75 sélections ne se laisse pas envahir par l'émotion, et n'en a pas rajouté vis à vis de ses coéquipiers cette semaine. Il semble juste en mission, habité par l'envie de combler ce manque dans son palmarès. J'y penserai plus à la fin du match. Pour l'instant je reste concentré sur l'objectif qui est la victoire. Les carrières passent très vite, on ne s'en rend pas toujours compte, et personne ne construira notre palmarès à notre place. On en a les moyens, mais il faudra se bouger pour aller le chercher.

Nalaga lui, joue sa dernière finale européenne avec le club qui l'a formé et révélé, avant de rejoindre "l'ennemi" toulonnais cet été. Son entraîneur n'y voit pas l'ombre d'un dilemme, sûr de l'intégrité de son ailier. Pensez-vous que quand on joue une finale, on pense à la saison prochaine, on joue avec le frein à main? Non, je vous rassure. Il a envie de partager des choses avec son équipe, il a passé huit ans avec nous, et ses amis sont ici.

• Un parcours quasi parfait

Encore au rendez-vous malgré une poule ardue, Clermont accumule de l'expérience saison après saison. On ne doit notre qualification qu'à nous-mêmes, assume Franck Azéma. On ne va pas arriver avec de la suffisance en disant qu'on est les plus forts. Mais on a bien travaillé, on mérite d'être là et maintenant on va voir...

Exceptée la défaite inaugurale chez les Saracens, Clermont n'a encore laissé aucune chance à ses adversaires de gros calibre cette saison. Victoires en poule au Munster et face aux Saracens pour la première place du groupe, démonstration face à Northampton et victoire tactique contre les Saracens... Clermont a encore impressionné l'Europe du rugby malgré un parcours semé d'embuches. Le travail sera récompensé si on a le titre au bout , tempère Julien Bonnaire. Même si on a fait de bonnes choses jusqu'ici, on ne se rappelle que de celui qui gagne à la fin.

Il y a deux saisons, Clermont avait fait un sans-faute jusqu'en finale, et avait tenu son rang jusqu'au dernier quart d'heure... Avant de perdre le fil, et de laisser Toulon briser son rêve européen. Un scénario qui rapproche le président clermontois, Eric De Cromières, de son homologue varois. Mourad et moi partageons exactement le même avis, à savoir que l'ASMCA méritait de gagner. Il le dit lui-même... Cette fois, au vu de l'histoire, Toulon est favori. On est un outsider de grande qualité, qui espère bien pouvoir prendre la couronne...

La triple couronne pour Toulon en cas de nouveau succès, ou l'aboutissement pour Clermont, qui le désire tant? Finalement, c'est le suspense, le grand favori.