Poitrenaud: "On règlera ça vendredi"

Par Rugbyrama
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Clément Poitrenaud n'a pas fait de langue de bois devant la presse ce mardi. Titulaire pour la petite finale, il est revenu sur ce Mondial qu'il a vécu dans la peau d'un remplaçant et sur les critiques des Argentins au sujet du jeu développé par les Bleus

Etes-vous satisfait de quitter le groupe des "charrettes" pour disputer la petite finale ?

Clément Poitrenaud.- Je ne fais pas vraiment partie du groupe des "charrettes" mais j'en suis un sympathisant. Je ne me plains pas par respect pour ceux qui ont été dans les tribunes. J'ai la chance de pouvoir m'exprimer même si ce n'est pas le match espéré mais la troisième place est quand même importante et puis c'est face à l'Argentine.

Quel est votre plus grand regret sur cette Coupe du monde ?

C. P.- Mon seul regret est de n'avoir pas débuté la rencontre face à l'Argentine. Je pense que je méritais d'être titulaire. J'étais prêt à assumer ce rôle d'arrière pendant la Coupe du monde. Je pensais l'avoir démontré lors du dernier Tournoi des 6 Nations et lors des matchs de préparation. Ça ne s'est pas passé comme ça en partie à cause des choix tactiques de l'entraîneur. Face à l'Argentine, Bernard Laporte a préféré placer cinq avants sur le banc, donc il avait misé sur la polyvalence des arrières. Je comprends ce choix mais cela ne veut pas dire que je ne me sentais pas capable de jouer.

Avez-vous accepté facilement de laisser votre place pour les matchs de la phase finale ?

C. P.- Contre les Blacks, j'ai compris et respecté les choix de Bernard Laporte. Il fallait occuper le terrain et il était donc logique de prendre Damien Traille. Après face à l'Angleterre, je m'attendais à être de nouveau remplaçant. J'aurais aimé entrer en jeu mais l'occasion ne s'est pas présentée.

Vous allez affronter les Argentins vendredi. Est-ce que vous vous attendez au même style de match que celui du 7 septembre ?

C. P.- Ce ne sera pas le même match. Ce devrait être plus ouvert, moins stressant et avec moins de chandelles. D'ailleurs, sur le match d'ouverture, j'aurais pu aider l'équipe sous les chandelles car je suis habitué à cet exercice. Vendredi, nous voulons faire plus de jeu et nous avons des joueurs qui en ont le profil. Frédéric (Michalak) est plus joueur que Lionel (Beauxis), et je le suis plus que Damien (Traille). Nous avons tous envie de tenir le ballon et de nous éclater.

En parlant de Damien Traille, qu'auriez-vous fait sur le ballon qui amène l'essai anglais ?

C. P.- J'ai une grande expérience de ce genre de ballons donc je sais m'en méfier (rires). C'est vrai que j'aurais vite pris la décision de le mettre en touche. Comment pourrais-je accabler Damien ? La chose qui me rassure c'est que ça n'arrive pas qu'à moi. Lui, ça s'est produit à la première minute, moi à la dernière (en finale de la Coupe d'Europe avec Toulouse contre les Wasps en 2004, défaite 27-20, ndlr). Je peux vous dire que personne ne lui en tient rigueur. Nous n'avons pas perdu à cause de ça.

Quels moments vous ont marqué pendant ce mondial ?

C. P.- Le match d'ouverture de la Coupe du monde a été un grand moment d'émotion même pour ceux qui ne jouaient pas. Il y a eu quelques larmes et cela restera un moment fort même si ça s'est mal goupillé. Après, je retiendrai le match face aux Blacks à Cardiff. Quand on ne mise pas un caillou sur l'équipe de France, elle réussit des grandes choses. Enfin le match à Toulouse était aussi particulier, pour nous, les Toulousains.

Est-ce que votre jeu au pied est la raison de votre présence sur le banc et non pas dans le quinze titulaire ?

C. P.- Je ne suis pas sur le même registre que Damien Traille. En 2003 aussi, Nicolas Brusque jouait car il avait un meilleur jeu au pied que moi. Mais si on me sélectionne, c'est en sachant que je taperai moins dans le ballon que d'autres, alors c'est vrai que ça peut être stressant pour un entraîneur d'avoir Fred et moi sur un terrain.

Votre jeu au pied est-il un faux problème ?

C. P.- Si je suis revenu en équipe de France, c'est que j'ai travaillé mon jeu au pied et qu'il est satisfaisant. En 2003, je n'avais pas un jeu au pied de niveau international pour pouvoir jouer tous les matchs. Maintenant, c'est différent même si j'ai peut-être vingt mètres de moins en longueur par rapport à Damien.

Quelles sont les qualités requises pour être titulaire alors ?

C. P.- Si j'avais un jeu au pied de 80 mètres, que je courais le 100 mètres en moins de onze secondes et que je possédais une superbe passe des deux côtés, c'est sûr que je serais indiscutable. Il est certain que des joueurs ont plus de qualités que moi dans le secteur du jeu au pied, qu'ils y sont plus réguliers, mais ils ont moins de qualités ailleurs. Après, il faut accepter les choix tactiques. Je peux les comprendre ponctuellement mais on ne peut pas me reprocher mon jeu pied. D'ailleurs Bernard Laporte ne m'a pas dit que je ne jouais pas car j'étais nul au pied. Il y a eu des choix tactiques pour chaque match. Alors vous allez me dire que cela a été toujours à mes dépends. En l'occurrence, oui.

Pensez-vous que la tactique de l'équipe de France, basée sur le jeu au pied, était la bonne ?

C. P.- Le fait d'occuper le terrain face aux Blacks était la bonne tactique car face à eux, il faut fermer le jeu sinon ils sont très forts pour concrétiser la moindre faute. Je n'ai aucun regret de n'avoir pas joué face aux Blacks. En revanche, les Anglais fonctionnent différemment. Ils sont très bien organisés en défense et il est important de les faire bouger.

Aviez-vous votre place pour jouer la demi-finale ?

C. P.- Contre les Anglais, j'aurai fait un compromis et Bernard Laporte aurait pu me faire entrer en jeu. Mais je ne veux pas rentrer dans la polémique ou critiquer les choix de l'entraîneur. Ce n'est pas dans ma nature.

Cette expérience va-t-elle vous faire changer de jeu ?

C. P.- Je vais rester fidèle à ce que je suis. Pendant le Tournoi, j'ai tapé sept fois dans le ballon en cinq rencontres, mais nous avons remporté la compétition. C'est comme ça que j'envisage le rugby. Mais si on me dit de taper plus souvent au pied face à tel ou tel adversaire alors je taperai plus dans le ballon même si je n'aurai jamais un pied que me permettra de traverser le terrain.

Dans ce rugby très tactique, un joueur prend-il encore du plaisir ?

C. P.- On prend du plaisir quand on gagne. J'étais comme un fou après notre victoire sur la Nouvelle-Zélande alors que je n'ai pas mis un pied sur le terrain. Je me sens vainqueur à part entière. Après, bien sûr que je préfère voir des envolées, des passes sur un pas, mais ce n'est pas toujours possible.

On a l'impression qu'il n'existe plus beaucoup de joueurs comme vous ou Frédéric Michalak...

C. P.- Je ne suis pas d'accord. Je pense que d'autres joueurs ont envie de créer, de prendre des risques sans se soucier de ce qui va être dit.

Contepomi, pour répondre aux critiques sur le jeu argentin, a dit que les Français n'avaient pas non plus pratiqué un rugby champagne. Est-ce que ce jeu excite encore ?

C. P.- Contepomi, il peut parler du rugby champagne car l'Argentine ne fait que des mauls et des chandelles. Les Argentins doivent arrêter de donner des leçons. Ils ne sont pas champions du monde, nous non plus. On règlera tout ça vendredi soir. Il n'y a qu'un Argentin capable de pratiquer un rugby champagne, c'est Juan Hernandez. Après les autres, ils font avec leurs qualités. Dans ces conditions, qu'ils ne viennent pas nous parler de rugby champagne. Les Blacks pourraient peut-être nous en parler, mais pas eux. On verra bien vendredi. Cela ne veut pas dire que je ne vais faire que des relances de 80 mètres mais les Argentins doivent arrêter de balancer sur l'équipe de France.

On vous sent très remonté...

C. P.- Non, mais il faut dire ce qui est. Leur jeu est triste même si je reconnais que le notre n'est pas brillant.

Il y a eu quelques critiques sur le jeu proposé pendant ce Mondial. Pensez-vous que le rugby doit revoir ses règles ?

C. P.- J'entends les critiques sur le manque de jeu dans le rugby actuel mais quand je vois que 18 millions de téléspectateurs regardent nos matchs, je me dis que ce jeu plaît plus que celui d'avant. Il suffit de regarder ESPN. A l'époque, il ne se passait rien. Il y avait des très belles choses mais seulement deux ou trois fois par match. Il ne faut rien changer au rugby. Aujourd'hui, il y a des beaux matchs et des matchs pourris, comme cela a toujours été le cas et c'est pareil dans les autres sports.

Pensez-vous que les joueurs ont toujours envie de faire le spectacle ?

C. P.- Moi, j'ai toujours eu envie de m'amuser et de donner du spectacle. Je crois que c'est dans la culture toulousaine. Là-bas, si tu gagnes 6 à 5, tu te fais siffler mais, si tu perds 32 à 33, tu peux sortir sous les applaudissements. Taper au pied dans le ballon ne plaît pas trop aux supporters et c'est comme ça que j'envisage le rugby. Mais le niveau international réclame plus de tactique. C'est une partie d'échec.

Et pourquoi ne pas envisager d'imposer son jeu ?

C. P.- Toutes les équipes s'adaptent à l'adversaire. Plus personne ne peut dire qu'il va faire son truc sans se soucier de l'adversaire. Les Blacks fonctionnent encore comme ça et résultat, ils n'ont plus été champions du monde depuis vingt ans. L'Angleterre s'adapte. N'allez pas croire que Wilkinson tape ses coups de pieds au hasard.

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