Les raisons du trou noir

Alors c'était bien de l'arrogance. L'extrême décontraction affichée par les All Blacks la semaine dernière - depuis le début de la Coupe du monde d'ailleurs - n'était pas simplement de la confiance. Non, la meilleure équipe du monde n'a pas retenu les leçons des précédentes Coupes du monde. Après avoir dominé le rugby mondial ces quatre dernières années (5 défaites sur 46 matchs joués), elle a trébuché dans sa course au titre une nouvelle fois. Et ce coup-ci, elle est sortie par la plus petite porte, devenant la première équipe néo-zélandaise éliminée dès les quarts de finale.

Pourquoi ? Les raisons ne manquent pas. A cause de cette suffisance en premier lieu. Les All Blacks sont supérieurs à tout le monde, c'est vrai, mais ils oublient parfois qu'ils ne sont pas invincibles. "Nous avons les meilleurs joueurs du monde" , clamait haut et fort le centre Luke McAlister la veille de la rencontre. Il avait oublié qu'il faut du coeur aussi pour gagner les grands matchs de rugby. Il y a eu cette poule C aussi, très facile, qui ne leur a pas permis de s'étalonner et d'obtenir un match référence avant les phases finales.

Surexposés et éparpillés

Mais ça, ce n'est pas le pire. Là où les Blacks ont le plus failli, c'est dans la gestion de l'événement certainement. Depuis le début du Mondial, ils multipliaient les sorties en ville, les opérations-séduction rondement menées par Adidas (qui a surexploité le filon?), les rencontres avec Zinedine Zidane et les conférences de presse. Tranquilles, souriants, disponibles. Pas suffisamment concentrés surtout. Les journaux et le supporters restés au pays n'ont pas manqué de le leur faire remarquer. Dès la fin de la rencontre samedi, les forums des sites spécialisés en Nouvelle-Zélande ont explosé. Depuis samedi, celui du New Zealand Herald totalise... 200 pages ! Les fans se déchaînent. "Les All Blacks ont perdu parce qu'ils ont passé trop de temps à faire du cinéma autour du Haka et à travailler leur coiffure, et pas assez de temps à jouer au rugby", estime ainsi l'un d'entre eux, même si d'autres accusent l'arbitrage et félicitent les "boys".

Le retour, prévu mercredi dans la journée, devrait en tout cas être très difficile. Resplendissants, fringants, agaçants jusqu'alors, les All Blacks vont rentrer la tête basse. Se feront-ils conspuer, comme ce fut le cas en 1999 après la demi-finale perdue contre la France ? A l'aéroport, certains joueurs avaient retrouvé leurs valises tagguées du mot "looser"... L'ambiance ne devrait pas être meilleure demain. Six d'entre eux ont d'ailleurs repoussé leur retour (Kelleher, Collins, Ellis, Muliaina, Howlett et Tialata), parce que leurs familles sont en Europe disent-ils...

Les premières conséquences du cataclysme ont déjà été ressenties. L'entraîneur Graham Henry, dont le contrat courait jusqu'en mars, a été remercié dès le lendemain du match et le prochain sélectionneur sera connu d'ici Noël.