Jeu cherche affranchis

Les statistiques officielles de l'IRB sont formelles. Face à l'Irlande, les Français n'ont jamais réussi à franchir la ligne de défense adverse. Pendant 80 minutes, aucun attaquant français n'est parvenu à percer le premier rideau irlandais. Inquiétant même si la charnière tricolore a réussi à répondre avec intelligence à ce problème : deux coups de pied pour sauter la défense verte, concentrée sur une seule ligne, pour inscrire les deux essais de la partie. Sinon les Français ne se sont montrés dangereux que sur les ballons de récupération. A la 17e minute, Clément Poitrenaud plongeait dans l'en-but, mais son essai n'était pas validé par l'arbitre vidéo.

Cette action était partie d'un coup de pied de dégagement raté de l'arrière français et le ballon avait pu être récupéré en position favorable par Cédric Heymans. Ibanez était arrivé en soutien avant que la charnière tricolore ne transforme le jeu.

Pauvres en munitions

Cette victoire face à l'Irlande confirme que la France est avant tout une équipe de contre, douée pour exploiter le moindre ballon perdu par l'adversaire. C'est en se basant sur ce principe de récupération/exécution que les Bleus ont remporté le dernier Tournoi des 6 Nations. Une stratégie de jeu qui se base sur une défense très agressive et une science des rucks pour gratter des ballons. Face à l'Irlande, les Français n'ont récupéré que deux ballons dans les mêlées spontanées et les coéquipiers de Brian O'Driscoll ont commis huit fautes de main. Les Tricolores étaient pauvres en munitions pour faire craquer une défense qui a réussi 90 % des plaquages qu'elle a effectué.

Face à cette pénurie, Frédéric Michalak et Jean-Baptiste Elissalde ont su trouver la solution tactique. C'est certainement la meilleure nouvelle de ce troisième match car, face aux Argentins, les Bleus n'avaient pas réussi à s'adapter au jeu adverse. En revanche, l'absence de franchissement reste inquiétant. Derrière un paquet d'avants dominateur, faisant reculer son adversaire sur les ballons portés, les trois-quarts français n'ont jamais créé le moindre déséquilibre. Ils n'ont jamais trouvé la moindre faille à exploiter.

Le jeu des Bleus est donc risqué car il dépend de sa capacité à contre-attaquer et de son adversaire. Par deux fois cette année, il a prouvé ses limites : En Angleterre lors du dernier Tournoi des 6 Nations et face à l'Argentine en match d'ouverture de la Coupe du monde. Deux rencontres où les Français avaient les faveurs des pronostics mais où la machine s'est enrayée à cause d'un jeu au pied adverse performant, des fautes de mains françaises inhabituelles et des rucks mal maîtrisés. Pour éviter de connaître à nouveau un "jour sans", les Tricolores doivent arriver à franchir le premier rideau défensif pour imposer leur jeu offensif et ne plus se contenter d'attendre les fautes adverses. Car certaines équipes n'en commettent pas assez pour espérer les battre.