Dominici : "Je suis malheureux"

Par Rugbyrama
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L'ailier des Bleus, Christophe Dominici, sera titulaire pour le dernier match de la Coupe du monde vendredi. Mais il est en colère, et rageur. Contre lui, dit-il...

Quel est votre état d'esprit avant ce dernier match de Coupe du monde ?

Christophe DOMINICI : Il reste un match, c'est une chance de sortir de la compétition sur une note positive. Il se gagnera aux tripes face à une équipe qui a beaucoup de tripes aussi. Après, je suis bien sûr déçu et malheureux parce que nous ne sommes pas en finale. Mais il faut se comporter en grand champion jusqu'au bout quoi qu'il arrive. Après le quart contre la Nouvelle-Zélande, nous étions les meilleurs et depuis notre défaite contre l'Angleterre, il n'y a plus rien. C'est très français tout ça...

Vous pensez donc que le rôle de promotion que vous avez eu depuis le début du Mondial s'est essoufflé depuis la défaite en demi-finale ?

C. D. : Les gens vont mal. La France ne va pas forcément très bien et les gens ont besoin de s'identifier à quelque chose à un moment donné. Cela a été au rugby parce qu'il a été beaucoup médiatisé mais aujourd'hui, c'est un échec. Avec notre élimination, tout le monde a retrouvé son quotidien, ses soucis et ses problèmes.

Considérez-vous que cette Coupe du monde est un échec ?

C. D. : Quand on ambitionne d'être champion du monde et qu'on ne l'est pas, c'est un échec bien sûr.

Vous étiez titulaire lors du premier match de Bernard Laporte à la tête de l'équipe de France en février 2000 et vous l'êtes pour le dernier. Comment expliquez-vous cette longévité ?

C. D. :(Ironique) C'est parce que ça doit être mon ami. Ecrivez le. Nous avons fait une sacrée route ensemble mais j'ai pris des coups, ça n'a pas été facile. C'est peut-être mon destin. On a souvent ce qu'on mérite.

Lui en voulez-vous ?

C. D. : Pas du tout. C'est la vie d'une équipe, d'une compétition, avec ses hauts, ses bas, ses formes et ses méformes. J'ai vécu comme un privilège le fait d'avoir été dans les 22 pour les quarts et les demies. Après, il y a eu des choix tactiques. Je n'ai pas eu plus d'explications que les autres. Je n'en ai pas demandé non plus. C'est la loi du sport.

Vous dites : "on a ce qu'on mérite". La France ne méritait donc pas une place en finale ?

C. D. : Voilà... (Silence) Mais je parle pour moi. Je ferai le bilan plus tard. Je ne sais pas.

Pensez-vous que vous avez perdu parce que vous n'avez pas su gérer l'euphorie de la victoire contre les All Blacks ?

C. D. : Ce serait trop facile de critiquer ou de rejeter la faute sur les autres... Il faut d'abord regarder sa performance. Pour être champions du monde, il faut de grandes performances mais aussi de grands hommes. Collectivement, je n'ai pas grand chose à dire. Je ne peux parler que pour mon cas personnel.

La France a-t-elle manqué de grands hommes ?

C. D. : Il faut faire une grande Coupe du monde pour être champions. Il faut un groupe qui fasse des choses différentes. En 2003, les Anglais le faisaient. Là, ce sont les Sud-Africains. Ce que je sais, c'est que nous n'avons pas été au bout, c'est tout.

Pensez-vous que c'est la révolte qui a manqué ?

C. D. : Il aurait peut-être fallu, c'est sûr... Aujourd'hui, on se trompe sur beaucoup de choses. Surtout vous, qui écrivez tout et n'importe quoi pour vendre du papier. Mais tout le monde est fautif, nous aussi. Ce n'est pas l'équipe qui a les plus grands talents qui gagne, mais celle qui a les plus grands hommes. Sinon, les All Blacks seraient champions du monde à chaque fois. Ce sont les hommes qui font les sélections, et les équipes. Ce sont les hommes qui font l'histoire.

Vous donniez pourtant l'impression d'avoir des grands hommes et une grande équipe lors des matchs de préparation...

C. D.:(agacé) Des matchs comment ? Des matchs amicaux ! J'en connais beaucoup des champions du monde des matchs amicaux. Au Stade français, je connais beaucoup de champions du monde de toucher. Les Anglais se sont peut-être pris deux branlées en matchs de préparation contre nous, mais ils sont là. Qui avons-nous joué ? La Namibie, la Géorgie, l'Irlande qui a pris 35 points contre l'Argentine... Les Argentins justement, ce sont des grands hommes eux. Je les connais et je peux vous dire que ce ne sont pas des trompettes.

Vous avez l'air malheureux.

C. D. : Je le suis oui, mais il y a plus malheureux que moi. Aujourd'hui je pense à eux, ceux qui sont encore plus déçus, à Rémy Martin, à David Skrela, à Sébastien Bruno, à Pierre Mignoni, qui ont eu beaucoup moins de temps de jeu que moi et qu'on n'a pas revu après le premier match. Je pense à Lionel Nallet et à Yannick Nyanga.

Qui sont les fautifs alors ?

C. D. : La performance d'un joueur est jugée par rapport à ce qu'on voit. Vous, vous ne savez pas ce qui se passe. Vous dites qu'un joueur est bon ou mauvais, mais il n'y a pas que ça. Mais je le répète, c'est facile de critiquer le système. Les premiers acteurs sont les joueurs, ils avaient une responsabilité. Je peux vous dire que j'en ai fait des matchs avec certaines consignes et durant lesquels on a fait l'inverse.

Pensez-vous que votre statut de "papa" des arrières était un avantage ou un désavantage ?

C. D. : On s'entend parler de cadres, c'est facile... J'ai essayé de faire face à cette responsabilité en jouant le temps que j'ai joué.

Ce match sera-t-il le dernier pour vous sous le maillot bleu ?

C. D. : Sincèrement, je ne me suis pas penché sur la question. Cela n'est pas très important. Il reste un match. Nous ferons le bilan après.

Qu'est-ce qui pourrait vous convaincre de prolonger ?

C. D. : Plein de paramètres, par rapport à moi.

Avez-vous la force de continuer ?

C. D. : Il m'en reste beaucoup plus que vous ne l'imaginez. Va savoir où je vais la mettre...

Etes-vous en colère ?

C. D. : Bien sûr, contre moi-même. On est toujours en colère contre soi-même. J'espère qu'elle sera positive. Je n'en veux pas aux autres, c'est trop facile de mettre les responsabilités sur les autres et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je vais essayer d'avancer, même si je ne serai jamais champion du monde.

Si le match d'ouverture était à refaire, que feriez-vous ?

C. D. : Je le dirai après. Quand on perd, ça décuple plein de choses. Entre la victoire contre les Blacks et la défaite contre l'Angleterre, le négatif est le même. Je continuais à me poser des questions après le quart de finale. Avoir été éliminés en quart aurait été très triste, mais il ne fallait pas perdre la demie. C'est ce qu'on se dit, si on se dit la vérité. C'était celui-là le match le plus important.

Quel est votre plus beau souvenir de Coupe du monde ? La demie de 1999 ?

C. D. : Je ne sais pas. Ce sera peut-être la Géorgie. Après plus de soixante sélections, il a fallu que je prouve que je savais encore jouer au rugby sur ce match. C'est triste. Et ce n'est pas beau surtout. C'est important que j'ai marqué contre la Géorgie ? (Il se lève et termine en s'en allant) Il a fallu ce match pour que l'on s'aperçoive que Domi avait encore des cannes.

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