Adieu, Cliff Morgan

Cliff Morgan vient de disparaître à l'âge de 83 ans. Originaire de la Rhondda Valley, élevé dans une austère famille de mineurs, il fut vite repéré par le Cardiff RFC. Il devient vite l'un des meilleurs demis d'ouverture de sa génération, 29 fois sélectionné avec le pays de Galles et quatre fois avec les Lions Britanniques. Il fut l'un des héros du Grand Chelem 1952 et l'artisan d'une fameuse victoire des Lions 24-22 à Johannesbourg alors qu'ils jouaient à quatorze. L'Ellis Park accueillit 100 000 spectateurs ce jour-là. Et tout le monde ne parlait que de son talent après la rencontre, la première qu'aient perdu les Springboks depuis la guerre. Dans sa jeunesse, Cliff Morgan avait toujours refusé les ponts d'or proposés par les clubs de treize même quand un président avait débarqué en rolls royce chez ses parents et lancé 5 000 livres en liquide sur la table de la cuisine.

Une voix à part

En 1958, Cliff Morgan fut l'un des tout premiers sportifs de haut niveau à devenir journaliste, on ne parlait pas encore de consultant à l'époque. Il devint alors célèbre autant pour ses commentaires que pour ses exploits du passé. Sa voix est pour l'éternité associée à l'essai de légende marqué par Gareth Edwards en 1973 lors du fameux Barbarians-All Blacks considéré comme le plus beau match de l'Histoire à l'époque. Un an avant, un AVC l'avait privé de la parole pendant quelques jours. Son accent gallois et son timbre forgé par son goût pour les cigarettes n'en finit pas de raisonner aux oreilles de tous les fans de rugby d'outre-manche (un peu comme les intonations de Pierre Albaladejo pour les Français). Son limogeage soudain de la BBC au début des années 2000 avait été abondamment commenté. Certains y ont vu un tournant dans l'Histoire du journalisme télé, la fin d'un certain romantisme qui laissa la place au culte du sport business et de la célébrité vulgaire.

L'hommage de JPR Williams

Parmi ceux qui lui ont rendu hommage, citons JPR Williams, l'ancien arrière des années 70, son cadet de dix-neuf ans qui fit sa connaissance en tant que jeune interne dans un hôpital londonien. Il avait vu Cliff Morgan arriver après un petit accident cérébral: "Je l'avais peu vu jouer, mais mon père m'avait parlé de lui. Durant son hospitalisation, il ne s'était jamais plaint. Je l'avais retrouvé lors de la tournée des Lions en Nouvelle-Zélande en 1971 qu'il couvrait pour la BBC. Il était constamment avec nous, participant à toutes nos conversations. Nous étions tous très proches de lui. Je ne pense pas qu'un journaliste ait entretenu ce genre de rapports avec les joueurs de la dernière tournée des Lions en Australie".