Italie: Un Tournoi pour quoi faire ?

  • Edoardo Gori (Italie) - 11 octobre 2015
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  • Jacques Brunel (Italie) avec ses joueurs - 15 septembre 2015
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  • Pierre Berbizier, du temps où il entrainait l'Italie - 2006
    Pierre Berbizier, du temps où il entrainait l'Italie - 2006
  • Sergio Parisse et Jacques Brunel (Italie) - 22 août 2015
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  • Gonzalo Canale - Italie Angleterre - 11 février 2012
    Gonzalo Canale - Italie Angleterre - 11 février 2012
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TOURNOI DES 6 NATIONS - Après une Coupe du monde en demi-teinte, l'Italie se présente avec l’une des équipes les plus faibles depuis ses débuts dans le Tournoi. Privée de nombreux cadres, sans projet à long terme, sans véritables attentes… Elle participe au Tournoi des 6 Nations cette année encore. Mais pour quoi faire ?

C'est un début de Tournoi compliqué qui se présente. Une mission quasi impossible même qui attend l'Italie. Avec un déplacement en France, où elle n’a plus gagné depuis 1997, puis la réception de l’Angleterre, qu’elle n’a jamais battue, l’Italie apparait en plus de tout ça très affaiblie. Logiquement, la douzième nation mondiale devrait jouer - une nouvelle fois - son Tournoi face à l’Ecosse. Mais cette fois, même le XV du Chardon semble évoluer à un niveau supérieur. L’Italie est-elle en crise ? Explications.

  • Avalanche de blessures et soucis d’effectif

On a 13 ou 14 joueurs qui pour des raisons diverses ne peuvent pas venir. On a dix nouveaux qui n'étaient jamais venus et par rapport à la Coupe du monde c'est très remanié . Sans détour et en deux phrases, Jacques Brunel résume une partie de la problématique italienne. Des blessés, des blessés en encore des blessés. Au point de craindre pour l’Italie l’un des pires 6 Nations de son histoire.

Jacques Brunel (Italie) avec ses joueurs - 15 septembre 2015
Jacques Brunel (Italie) avec ses joueurs - 15 septembre 2015

Lucide, Gonzalo Canale (86 sélections) tente d'expliquer: Je ne sais pas si on peut dire que c'est le pire Tournoi de l'Histoire qui se présente, mais je crois que ça va être difficile. La chance n'a pas été du côté italien ces derniers temps, avec autant de blessures. L'ancien sélectionneur de l’Italie, Pierre Berbizier, enchaine: Il y a pratiquement un pack titulaire qui est absent. Deux piliers gauches sont absents, deux talonneurs aussi. La deuxième ligne n’est pas là. Favaro est absent… Disons que les fondamentaux sont l’un de leurs points forts et il leur manque 80% de leur paquet d’avants .

L’inventaire pourrait se poursuivre: 14 joueurs de l’effectif présent en Angleterre ne sont pas disponibles pour le match face à la France. On pourrait croire qu'un tel cas de figure sonnerait comme une aubaine pour bien des pays et pousserait à l’émergence d’un nouveau projet, de nouvelle bases, de nouveau joueurs. Mais cette situation italienne ne résulte pas d’un choix.

Pire, ce manque de joueurs de haut niveau reflète deux faiblesses du rugby italien. D’abord la politique étrange de la fédération italienne, créant des situations hors-normes comme celle de Jacques Brunel, sélectionneur à durée déterminée. Mais aussi la faiblesse structurelle du rugby transalpin, qui est aujourd’hui incapable de faire émerger en nombre des jeunes joueurs de talent.

  • Une gestion en interne souvent agitée...

Parfois complexes, les rapports entre les clubs, les franchises, les joueurs et la fédération sont même carrément houleux depuis quelques mois. Des rapports délicats qui ont atteint leur paroxysme juste avant la Coupe du monde. Le président de la Fédération, Alfredo Gavazzi, agacé par des histoires de primes lâchait alors: "Je suis las des retraités, ce n'est pas moi qui suis descendu au 15e rang mondial".

Réaction immédiate des joueurs, le capitaine Sergio Parisse en tête. Sur Twitter, les internationaux reprenaient la déclaration et l’accompagnaient d’un hashtag "respecte-nous".

“Dei pensionati sono stanco, al 15° posto del ranking non ci sono andato io» #portacirispetto

— sergio parisse (@sergioparisse) April 14, 2015

"dei pensionati sono stanco, al 15 posto de ranking non ci sono andato io"#portacirispetto

— luciano orquera (@luciano_orquera) April 14, 2015

Dei pensionati sono stanco, al 15° posto del ranking non ci sono andato io #portacirispetto

— Martin Castro (@castrito81) April 14, 2015

@giambavenditti: “Dei pensionati sono stanco, al 15° posto del ranking non ci sono andato io" #portacirispetto

— simone favaro (@FavaroSimone) April 14, 2015

L’histoire s'est peu tassée peu à peu jusqu’à être enterrée peu avant leMmondial. Une simple péripétie. Mais une situation tendue qui révèle des antagonismes loin d’être nouveaux. Pierre Berbizier revient pour nous sur sa propre expérience: Quand je suis arrivé (en 2005, NDLR), ça n’était pas très clair. Il y avait une forte opposition entre Calvisano (champion d’Italie en 2005) et la Fédération. Trévise (champion d'Italie en 2006) était anti-Fédération. C’est un contexte politique où tout est dans un changement perpétuel.

Pierre Berbizier, du temps où il entrainait l'Italie - 2006
Pierre Berbizier, du temps où il entrainait l'Italie - 2006

Une base avec peu de stabilité et un système qui s’est encore complexifié. Deux franchises sont venues s’ajouter à un système de clubs de plus en plus faible. Une organisation qui ne permet pas d’apaiser les relations entre la Fédération et les équipes professionnelles. Toujours très attaché au XV d’Italie, l’ancien sélectionneur du XV de France ajoute, prudent: J’ai l’impression, vu de l’extérieur, que c’est à nouveau un combat politique interne qui freine cette formation italienne. Au final, le problème c’est que ce genre de soucis existe partout, mais remue d’avantage l'Italie parce que ses bases sont plus fragiles .

Une situation que déplore aussi Gonzalo Canale. C'est vrai que le rugby italien a perdu du crédit. Les résultats en Ligue celte ne sont toujours pas là (Trévise a enchainé 23 défaites consécutives en championnat, NDLR) et l'équipe d'Italie est en train de subir une mutation entre les nombreuses blessures, les anciens joueurs qui arrêtent et les jeunes qui montent. Des changements que les Italiens subissent mais qui s’ajoutent à ceux que l’équipe d’Italie s’est elle même créée.

  • ... symbolisée par le cas de Jacques Brunel

Car si les rapports entre les organes sont historiquement complexes, l’Italie ne se rend pas non plus les choses faciles. En juin 2011, la Fédération fait signer un contrat à Jacques Brunel, alors entraineur de Perpignan. Un contrat signé là encore avant la fin du mandat de Nick Mallet et qui doit débuter en octobre 2011. Une durée et un timing qui vont créer une situation étrange pour Jacques Brunel : voir son contrat courir jusqu’en juin 2016. Comment jouer un Tournoi avec la certitude de ne pas être reconduit à l’issue de celui-ci ? Quelle est la motivation de tous ces acteurs ? C’est difficile à cerner, constate Pierre Berbizier.

Sergio Parisse et Jacques Brunel (Italie) - 22 août 2015
Sergio Parisse et Jacques Brunel (Italie) - 22 août 2015

Je peux juste dire que j'ai connu Jacques (Brunel), explique Gonzalo Canale, et c'est quelqu'un de droit et honnête. Il sait bien qu’après le 6 Nations, il partira. Mais il va continuer à bien travailler jusqu'à la fin de son contrat . Même son de cloche chez Pierre Berbizier, pour qui Jacques (Brunel) fera le boulot. Il sait que, comme tous les entraineurs, tu fais avec les joueurs dont tu disposes. Malheureusement, pour son dernier Tournoi, il a peu de solutions.

Si la loyauté de Jacques Brunel n’est pas remise en question, la question est davantage celle de la politique italienne dans son ensemble. Et des choix que les instances dirigeantes ont pu faire. L'Italie alterne entre Anglo-saxons et Français et ils repartent à chaque fois sur des méthodes différentes, expose Pierre Berbizier. J’ai remplacé John Kirwan, Nick Mallet m’a remplacé. C’est difficile d’avoir une continuité. Le vrai problème ? Ils essayent toujours de trouver l’homme providentiel. Seulement, on ne s’attaque pas aux structures et aux problèmes de fond. Comme par exemple celui de la formation, éternelle problématique italienne.

  • Formation défaillante, quel projet pour l’Italie ?

Depuis 2011, l’Italie des moins de 20 ans n’a gagné… qu’un seul match au cours du Tournoi. Depuis 2008 et la création de la compétition ? A peine trois, toutes obtenues face à l’Ecosse (2009, 2011, 2014). L’illustration d’un problème chronique ou presque : l’incapacité pour l’Italie de former des jeunes joueurs de haut niveau. L'ancien centre Gonzalo Canale tente de trouver une explication: On s'est toujours distingué pour ne pas avoir la quantité de jeunes joueurs qui montent, au contraire des autres nations. Chez nous, ça met plus de temps. Il y a un facteur "culture rugby" qui est sûrement différent des autres pays. L’ancien Rochelais ajoute : Mais je crois qu'au bout d'un moment, il faut se poser la question et voir si le système en général est efficace ou pas.

Gonzalo Canale - Italie Angleterre - 11 février 2012
Gonzalo Canale - Italie Angleterre - 11 février 2012

Une question à laquelle Jacques Brunel pense avoir répondu au cours de son mandat. En conférence de presse, il a tenté de convaincre: Le processus est enclenché, la construction est faite. La structure existe, maintenant il faut la rendre performante malgré les obstacles qui restent à franchir. Difficile de croire un sélectionneur qui défend son bilan. Mais combien de joueurs titulaires en Coupe du monde avaient moins de 25 ans? Face à la France, ils étaient trois : Leonardo Sarto, Tommaso Allan et Michele Campagnaro. Et si les jeunes sont présents pour ce Tournoi 2016, ça n'est pas vraiment le vent du changement qui souffle. Je ne suis pas dans l'idée de repartir sur un cycle et aujourd'hui ce sont bien les meilleurs parmi ceux qui sont disponibles. Au moins, Jacques Brunel est clair.

  • Un Tournoi qui s’annonce terrible

Le constat est sévère et le tableau bien sombre : une équipe d’Italie diminuée, avec très peu de joueurs prometteurs, avec un sélectionneur qui n’a plus que 5 matches à jouer et une équipe prise dans une bataille latente entre la fédération et les clubs, les joueurs et les franchises. Jamais depuis 2000, et l’entrée de l’Italie dans le Tournoi, la Squadra Azzura n’a semblé autant promise à la "Cuillère de bois". Comme toujours, un exploit reste possible. Et c’est à cela que s’accrochent les amoureux de l’Italie. Brunel d’abord: Chaque année il y a des surprises, alors peut-être qu'on peut être celle de cette année . Gonzalo Canale, ensuite: C'est dans les moments difficiles que l'équipe a su se motiver et sortir son meilleur.

Bête blessée, l’Italie reste évidemment dangereuse. Et les joueurs auront à coeur de prouver que cette crise n’est qu’un moment délicat, unique conséquence des nombreuses blessures. Voir même une aubaine pour certains joueurs de s’imposer en sélection. Reste qu’en cas de gros échec italien, la question d’une montée/descente avec le Tournoi des 6 Nations B (Géorgie, Roumanie, Portugal, Espagne, Russie, Allemagne) pourrait légitimement revoir le jour. Et mettre encore un peu plus de pression sur une équipe d’Italie qui semble loin du niveau qu’elle pouvait espérer afficher, 16 ans après son entrée dans le Tournoi.

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