Lombard: "L'équipe de France est aujourd'hui à 50 % de ses possibilités"

  • Thomas Lombard
    Thomas Lombard
  • Thomas Lombard et Philippe Saint-André. Tournée de novembre 2013
    Thomas Lombard et Philippe Saint-André. Tournée de novembre 2013
  • Thomas Lombard lors d'une rencontre du XV de France face à l'Australie. Novembre 1998
    Thomas Lombard lors d'une rencontre du XV de France face à l'Australie. Novembre 1998
Publié le Mis à jour
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Thomas Lombard a porté le maillot du XV de France à douze reprises entre 1998 et 2001. Aujourd'hui consultant rugby pour divers médias, l'ancien Parisien garde un œil toujours avisé sur l'actualité des Bleus. Dans un entretien qu'il nous a accordé, il dresse un état des lieux complet sur cette équipe de France en cette semaine de Crunch.

Que vous a inspiré cet Italie-France?

Thomas LOMBARD: J'ai vu une équipe avec des ambitions plus marquées que lors des trois premiers matchs même s'il aura fallu attendre dix minutes et sans doute qu'elle se libère un peu au score pour pouvoir matérialiser ses prises d'initiatives. C'est la réaction qu'on attendait et c'est un match plus en adéquation avec le niveau réel de cette équipe. La conquête a été bonne et la défense a été excellente. Elle a été non seulement imperméable mais aussi très agressive. Cela veut dire qu'on a gagné du terrain et qu'on a empêché les Italiens de prendre la ligne d'avantage, ce qui est très intéressant dans la perspective du match contre l'Angleterre.

Il fallait à tout prix éviter une nouvelle défaite...

T.L: C'est certain que cela aurait été un vrai problème. J'ai croisé Philippe (Saint-André, ndlr) la veille et j'ai senti une tension importante. Il y avait aussi une forme d'engagement pris par les joueurs après le pays de Galles et ce n'était pas que des paroles. Les choses ont été dites en profondeur et il y avait une volonté commune d'avancer et de retrouver de la cohésion par rapport au plan de jeu. Cela montre que les choses peuvent s'arranger et que cette équipe peut fonctionner ensemble. C'est bien que cela arrive maintenant, même si cela aurait pu intervenir plus tôt.

Thomas Lombard et Philippe Saint-André. Tournée de novembre 2013
Thomas Lombard et Philippe Saint-André. Tournée de novembre 2013

Comment avez-vous jugé le coup de gueule de Saint-André après France-pays de Galles?

T.L: Ce n'était pas un coup de gueule pour un coup de gueule car ce n'est pas la personnalité de Philippe. Il faut aussi faire la part des choses entre ce qu'il a dit aux joueurs et ce qu'il a dit aux médias. Il y avait de la spontanéité car il y avait une forme de ras-le-bol de sa part. Il avait, comme beaucoup, la sensation que cette équipe avait énormément de potentiel et aussi un esprit de corps, mais qu'elle n'arrivait pas à matérialiser tout ça par des résultats. Il avait une frustration en lui et il l'a évacuée de cette manière-là, en envoyant un message aux joueurs. Cela a crée un dialogue et obligé à une réaction.

Les joueurs devaient assumer leur part de responsabilité et ils l'ont fait

La peur de se griller pour la Coupe du monde n'a t-elle pas donné à certains un supplément d'âme?

T.L: Cela peut être l'une des hypothèses mais je ne pense pas que ce soit la principale. Ce sont surtout des joueurs capables de se responsabiliser et qui savaient que ça allait être compliqué de continuer comme cela. Ils devaient assumer leur part de responsabilité et ils l'ont fait. Les joueurs d'expérience de cette équipe savent que subir et ne rien dire n'est pas une réponse de champions.

Comment jugez-vous le niveau de jeu de l'équipe de France depuis le début de l'année?

T.L: Elle est aujourd'hui à 50 % de ses possibilités, c'est une évidence. Maintenant, il ne faut pas oublier d'où on part. L'appropriation d'un projet, la maîtrise de ce projet... tout cela prend du temps. Ils sont repartis sur des bases plus claires qui suscitent l'adhésion des joueurs. Je trouve l'image de la relance de Spedding symbolique car elle est finalement ce que beaucoup de gens voulaient: du panache, de la prise de risques et d'initiatives. Tout cela n'est, dans le rugby moderne, que la conséquence d'un système de jeu qui est compris et qui permet donc d'avoir quelque chose à quoi se raccrocher et d'entretenir la confiance. C'est ce dont cette équipe manquait et elle a retrouvé sa route.

Thomas Lombard lors d'une rencontre du XV de France face à l'Australie. Novembre 1998
Thomas Lombard lors d'une rencontre du XV de France face à l'Australie. Novembre 1998

Quel regard portez-vous sur le XV de la Rose actuel?

T.L: C'est une équipe qui est clairement influencée par le tempérament des joueurs qui la composent. Ce sont de jeunes joueurs, tous titulaires dans des clubs où il y a une liberté pour la prise d'initiatives et un volume de jeu très important. Cela transpire tout de suite au niveau supérieur. Les Watson, Joseph, Ford s'identifient dans un rugby total, de mouvement et de prises de risques. Ce n'était jusqu'à présent pas la philosophie du rugby anglais que l'on connaissait. Malgré tout, l'Angleterre reste une équipe très solide sur les fondamentaux avec beaucoup de puissance devant. Elle sera une équipe très compétitive pour la Coupe du monde avec un grand réservoir de talents.

Pour le XV de France, perdre en Angleterre dans la situation actuelle ne serait pas un désaveu

Voyez-vous des raisons objectives de croire en un exploit des Bleus samedi?

T.L: La première raison que je vois est notre efficacité défensive qui est très concrète depuis le début du Tournoi. On a une défense remarquable et une conquête qui presse. Ce sont des arguments importants dans le rugby. Les choses sont également en train de rentrer dans l'ordre en ce qui concerne le buteur, où la dimension de confiance compte. On se présente un peu comme l'Angleterre d'il y a quelques années! Pas vraiment géniale mais forte sur les fondamentaux, avec des talents qui pourraient se révéler intéressants dans la prise de risques. Si on met cela face au petit problème de finition anglais, on peut les faire douter. Soit ils arrivent à prendre le score rapidement et dans ce cas ce sera compliqué car ils récitent très bien leur rugby, soit ils sont mis en difficulté et on peut peut-être créer un exploit.

Ce Crunch sera t-il déterminant dans l'approche de la Coupe du monde?

Pour l'Angleterre, sa mission numéro un cette saison était de battre l'Australie, les Fidji et le pays de Galles, qui sont dans leur poule au Mondial, pour se mettre dans une position de confort psychologique vis-à-vis d'eux. Après, on peut difficilement imaginer qu'ils n'avaient pas envisagé de remporter le Tournoi et ils sont en mesure de le faire en gagnant contre nous. Pour le XV de France, perdre en Angleterre dans la situation actuelle ne serait pas un désaveu, tout dépend évidemment la manière dont on perd. Confirmer la réaction vue en Italie et aller gagner à Twickenham serait évidemment le scenario idéal, mais ce qu'il faut avant tout, c'est de ne surtout ne pas perdre nos points positifs et le caractère montré en Italie. Ce qui est important à mes yeux, c'est qu'il y ait une progression quantifiable par rapport au match à Rome, face à un adversaire d'un tout autre calibre.

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