Boniface: "L'équipe de France doit appartenir aux joueurs qui font partie du terroir"

  • André Boniface
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Du haut de ses 48 sélections en équipe de France et de ses cinq Tournois des Cinq Nations remportés, André Boniface s'est confié à nous. Membre du "Hall of Fame international", l'un des grands représentants du French Flair livre pour Rugbyrama son regard sur le rugby actuel, son club de coueur le Stade montois ou encore les Bleus.

André, vous êtes un homme plutôt discret malgré la notoriété de votre nom et pourtant, récemment, vous avez involontairement fait parler de vous concernant une lettre adressée à Mathieu Bastareaud.

André BONIFACE: Tout d'abord, je n'ai aucune animosité envers Mathieu Bastareaud. Son style ne me convient pas tout à fait mais il est efficace ainsi et chacun a le droit d'être différent... Et heureusement. Mais l'homme est respectable et quand je l'ai vu pleurer à la télévision, proche de la déprime, j'ai été très touché par cette sensibilité. Je me suis dit que le sport ne mérite pas que l'on détériore les gens à ce point. Autant un jour on vous monte au sommet et vous croyez être le meilleur, autant le jour d'après, on est capable de vous déglinguer, de vous agresser. C'est probablement ce qui a dû se passer pour ce jeune qui m'a touché et pour lequel j'ai voulu témoigner mon encouragement et ma sincérité.

Je lui ai donc envoyé cette lettre comme j'en envoie très souvent et pas seulement qu'à des sportifs mais aussi à des personnes qui me marquent par leur esprit, qui me troublent par leur chagrin et diverses agressions. Je l'ai fait des centaines de fois depuis la mort de mon frère Guy. Contre toutes attentes, tout le monde a été surpris à commencer par les Toulonnais... Peut être à cause du personnage que l'on a voulu leur faire croire que j'étais notamment quand j'ai eu ce petit accrochage avec les gens qui s'occupent du club. C'est une malveillance qui ne m'avait pas du tout plu et Bastareaud n'a rien à voir là dedans. Je suis content qu'il revienne à un bon niveau et qu'il prenne le rugby du bon côté. Qu'il se dise quand même qu'il a la chance de faire de sa passion son métier, de gagner de l'argent avec. Assouvir sa passion et bien vivre avec, c'est quelque chose de magnifique. Je ne lui ai pas fait de leçon de morale mais juste dit que j'étais malheureux pour lui de le voir dans cet état négatif, c'est tout.

Je n'ai pas de très bons rapports avec le staff et cette équipe ne me plaît pas beaucoup

On a parfois l'impression qu'avec le professionnalisme, les valeurs du rugby s'effritent mais ils restent encore des "anciens" pour les véhiculer...

A.B: (Rires) Il faut de temps en temps leur donner la parole car tout le monde pense que l'on radote. Plus on va vieillir et moins on va parler. Pour l'instant, j'ai encore l'esprit assez vif, des jambes qui me portent bien même si je n'ai plus les dispositions de faire un cadrage-débordement ou une passe croisée mais j'ai la qualité de ressentir les choses et de les exprimer un peu malgré mon âge avancé.

Parlez nous un peu de votre club de cœur, le Stade montois, qui affronte une période difficile actuellement.

A.B: C'est dommage... L'image du club est en train de s'effriter et cela m'énerve un peu. Je n'ai pas de très bons rapports avec le staff et cette équipe ne me plaît pas beaucoup. J'ai essayé d'intervenir pour au moins faire en sorte de garder notre identité qui nous a pris du temps et cela n'a pas été facile du tout mais il faut que le club conserve notre esprit ce qui me semble en perdition. On a quelques joueurs formés au club qu'il faudrait faire jouer mais j'ai l'impression que l'entraineur se bute contre eux et qu'il veut avoir une emprise totale sur tous les joueurs.

Il préfère les gens qui viennent de l'extérieur plutôt que les "petits montois", ceux qui font partie du club depuis l'école de rugby. Il faudrait qu'ils soient tous les dimanches dans l'équipe et le plus criant est que le week-end dernier à Bourgoin, il n'y avait qu'un seul joueur montois du cru et cela me fâche beaucoup. L'équipe n'est jamais la même, les joueurs changent tout le temps et la cassure actuelle vient de ce manque d'homogénéité. Que l'entraineur dise "qu'il ne comprend pas les mauvais résultats actuels", c'est dommageable car qui va les comprendre si lui-même ne les comprends pas?

Les Néo-Zélandais, les Sud-Africains et autres viennent chez nous car ils sont beaucoup plus payés que chez eux. Ce n'est pas l'amour du rugby français qui les fait venir, soyons clairs

Quel regard portez vous sur vos 48 sélections et ses treize années passées en Bleu?

A.B: Si je me positionne en tant que joueur, je dirais que la longévité est plus importante que le nombre de sélections. Après, c'est au bon vouloir des gens qui vous sélectionnent et à l'époque, je n'étais pas dans les petits papiers. Si je prends mon cas comme exemple, je dirais que la longévité notamment en club est bien plus importante. J'ai passé plus de vingt ans en club au plus haut niveau et il me semble que c'est une référence car il faut se remettre en cause chaque année. Plus on vieillit et plus il faut s'entraîner afin de garder le niveau. C'est beaucoup de sacrifices et d'efforts mais ça a été la passion de ma vie jusqu'à mes quarante ans.

Votre point de vue sur notre équipe de France est-il autant négatif, pessimiste que l'avis général de la communauté rugbystique?

A.B: Je ne sais pas ce que j'en pense car je ne la trouve pas très française. J'aime bien que l'on en parle avec patriotisme mais il ne faudrait pas oublier pourquoi ces joueurs étrangers viennent en France. Prenons l'exemple de Pieter De Villiers (ancien pilier sud-sfricain naturalisé français et jouant en équipe de France, ndlr) que j'aimais beaucoup et qui était un mec adorable, d'une incroyable gentillesse mais dont on disait qu'il passerait toute sa vie en France, il fut donc sélectionné avec les Bleus et où vit-il maintenant? Il est reparti chez lui en Afrique du Sud, tout comme Tony Marsh qui vit en Nouvelle-Zélande. Ce sont des exemples types.

Tout ce système est dommage car l'équipe de France doit appartenir aux joueurs qui font partie du terroir. Ce n'est pas du chauvinisme mais on fait du coup par coup pour gagner, on est dans l'urgence et e n'est pas en fonctionnant ainsi que l'on va prévoir l'avenir du rugby. Les clubs choisissent la facilité en prenant ces joueurs déjà formés et les acteurs de ce jeu ne viennent pas pour le plaisir de se promener en bord de mer ou dans les montagnes auvergnates...Mais pour gagner du fric et il ne faut pas se le cacher avec d'autres excuses. Les Néo-Zélandais, les Sud-Africains et autres viennent chez nous car ils sont beaucoup plus payés que chez eux. Ce n'est pas l'amour du rugby français qui les fait venir, soyons clairs.

Les Bleus vont ils faire un beau Tournoi André?

A.B: Qu'ils le gagne ou non, l'important est qu'ils jouent bien, qu'ils se fassent plaisir et nous donne du plaisir. Le résultat n'est pas très important, même si cela conditionne certaines choses mais globalement, qui se rappelle des vainqueurs des années précédentes? La Coupe du monde est bien plus importante cette année. Mais je sens que les Anglais sont en train de nous préparer quelque chose d'énorme avec un jeu de mouvement dont ils s'inspirent auprès des All Blacks qui sont ma référence. Nous n'avons jamais voulu les copier et pourtant, il faut toujours copier sur les meilleurs... Même à l'école (Rires)!

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