L'intermittent du génie

Par Rugbyrama
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Frédéric Michalak a été rappelé en équipe de France pour le dernier match du Tournoi, en Italie. Un retour par la petite porte, après la blessure de Tillous-Borde. 17 mois après sa dernière sélection, ce jouer si doué, aussi adulé que critiqué, peut-il redevenir un personnage central chez les Bleus?

"Je reviens en France pour porter à nouveau le maillot bleu. Quand on est à l'étranger, on a tendance à se faire oublier." En retournant à Toulouse après un an d'escapade en Afrique du Sud, Frédéric Michalak n'avait pas caché la finalité de ses intentions. Mais il n'imaginait sans doute pas que, de la Garonne à l'Essonne, le chemin serait si long. Oublié pendant les tests de novembre, snobé depuis le début du Tournoi, il revient à Marcoussis par la toute petite porte, après le forfait sur blessure du demi de mêlée de Castres, Sébastien Tillous-Borde. Aux yeux du staff, Michalak n'est donc pas le messie. Plutôt un bouche-trou appelé à la va-vite pour faire le nombre contre le cancre italien, à l'occasion du dernier match, sans enjeu, d'un Tournoi que tout le monde voudrait déjà oublier.

On a donc fait plus glorieux et plus fracassant comme retour. Pourtant, il est probable que Michalak s'en foute comme de son premier drop. Bien sûr, il n'est pas dupe. Mais il a trop attendu pour bouder son plaisir. "Là c'est un peu particulier, a-t-il confié lundi soir sur l'antenne de L'Equipe TV. Je reviens à cause d'une blessure d'un joueur. Je suis triste pour lui mais heureux pour moi." Heureux, et sans doute un peu soulagé, car il n'avait plus goûté au plaisir singulier d'une sélection en équipe de France depuis le match pour la troisième place de la Coupe du monde 2007, il y a quasiment un an et demi. Jamais, depuis sa première cape, en novembre 2001, à seulement 19 ans, il n'avait été sevré aussi longtemps des Bleus.

Plus mûr

Certes, des raisons conjoncturelles expliquent cette si longue absence. Son départ en Afrique du Sud, pour disputer le Super 14 et la Currie Cup sous le maillot des Sharks. Sa blessure au genou, aussi, sans laquelle il aurait disputé la Tournée estivale en Australie, en juin 2008, puisque Marc Lièvremont avait émis le souhait de le prendre pour encadrer un groupe inexpérimenté aux Antipodes. N'empêche, depuis le début de la saison, Michalak n'était ni blessé ni en Afrique du Sud. Il était bien là, à Toulouse, sous le nez du sélectionneur, qui n'en finissait pas de ne pas le voir. Au point qu'on avait fini par se demander si sa cote n'avait pas définitivement baissé en haut lieu.

Forcément, l'intéressé lui-même avait fini par se poser la question. Et des questions. Sur lui. Sur les autres. "J'espérais après mon retour d'Afrique du Sud mais ce n'est pas venu, explique-t-il simplement. L'entraîneur fait ses choix et il faut les respecter. C'était dur d'attendre, on se pose des questions, on se demande si on fait le maximum à l'entraînement, si on donne tout en club." Récemment, Dick Muir, l'ancien manager des Sharks, se disait incrédule devant l'absence de Michalak en équipe de France. Guy Novès, son meilleur avocat, n'a eu de cesse de répéter à quel point le joueur et l'homme étaient revenus bonifiés de leur expérience sudiste. "A tous points de vue, il a beaucoup mûri", martèle le manager toulousain. Il faudra probablement plus qu'un match, ou plus sûrement un bout de match, contre l'Italie, pour en convaincre Lièvremont.

Pas tout à fait un joueur comme un autre

Dans l'esprit de celui-ci, Michalak n'est plus un ouvreur, en tout cas pas prioritairement. C'est bien comme demi de mêlée qu'il a été rappelé. Avant, lui, Jean-Baptiste Elissalde, Sébastien Tillous-Borde et Morgan Parra ont été pris dans ce Tournoi au poste 9. C'est dire si le Toulousain a du chemin à faire pour redevenir incontournable. C'est aussi (surtout?) de sa faute. En sept années, l'enfant prodige a alterné le formidable et le calamiteux chez les Bleus. Véritable intermittent du génie, il n'a jamais su se rendre totalement indispensable. Les occasions n'ont pourtant pas manqué. Mais au très, très haut niveau, notamment lors des Coupes du monde 2003 et 2007, ses insuffisances ont parfois pris le dessus sur son aisance. Il le sait. Lièvremont aussi. Tout le monde le sait.

On sait aussi que Frédéric Michalak possède, à 26 ans (oui, il n'a que 26 ans), un compromis talent/expérience/jeunesse sans équivalent dans le rugby français qui ne peut laisser le staff indifférent dans l'optique de 2011. Michalak, ce sont 50 sélections, deux Mondiaux, 12 confrontations face aux trois géants du Sud (Blacks, Boks, Wallabies), du vécu derrière lui et encore tout l'avenir devant. Dans le marasme post-apocalyptique de Twickenham, Michalak n'a rien d'un sauveur. Mais il n'est pas non plus tout à fait un joueur comme un autre. Il était grand temps de le revoir à l'ouvrage. Reste à savoir si ce retour sur scène en catimini de l'artiste marque simplement un bref rappel sans saveur, ou le début d'une nouvelle série de galas dont lui seul choisirait la date de fin. Michalak détient une partie de la réponse. Une partie seulement. "Je ne décide pas", rappelle-t-il. Mais il peut toujours convaincre.

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